The Killer s'ouvre en prenant à rebrousse-poil les attentes liées à son intrigue. Car plongé dans toute la rigueur et l'ascétisme de la préparation du contrat de son personnage principal, le spectateur se demandera sans doute ce qu'il fait là, avant de décrocher en pestant. Ou en se ruant sur le site pour poster un billet écrit avec toute l'intelligence artificielle de Chat Gpt.
Car mine de rien, Fincher étire ce temps sur plus de vingt minutes pour nous mettre en scène son tueur sans nom, se présentant comme le meilleur dans sa partie, et les moindres détails de la discipline requise pour exécuter ses contrats. Dans toutes ses routines, ses habitudes et surtout l'ennui de sa planque et de ses repérages.
Tout cela baigné d'une voix off célébrant sa discipline, son détachement et son sang froid.
On s'attendrait donc à la perfection, à l'infaillible, à une nouvelle cible dégommée et à un plan qui se déroule sans accroc.
Sauf que non. Car in fine, le tueur de Fincher rate sa cible. Tout ça pour ça.
Pour révéler peut être que ce tueur n'est pas aussi impassible qu'il ne le croit et qu'il se ment à lui-même.
Car s'il répète à l'envi qu'il n'y a rien de personnel quand on fait son job, il n'hésite cependant pas à exercer sa propre vendetta, plongeant l'oeuvre, en apparence, dans le délice de la série B pétrie des influences du Flingueur original ou encore des archétypes du cinéma de Melville. Et tendance thriller, tant le film en reprend chacune des figures imposées.
The Killer s'inscrit donc en totale contrepied de Mank, le dernier effort de David Fincher : plus immédiatement accessible, moins intime et démonstratif quant à sa réflexion. Pour mieux retrouver l'intrigue simple et efficace de Panic Room.
David Fincher nous plonge dans l'esprit de plus en plus contredit de son assassin anonyme, à des années-lumière de ces tueurs cools et fun dont le cinéma moderne a fait des icônes. D'abord froid, calme et mécanique, il lâche prise peu à peu, tout comme la caméra suivant ses humeurs et son agitation du moment. Contrariant sa discipline psalmodiée par une voix off entêtante, en total contrepoint avec son mutisme affiché en société.
Une société dépeinte par Fincher comme ultra connectée et donc à la merci de celui qui saura s'y immiscer et en tirer profit. Une techno invasion faisant dériver cette société lentement vers un capitalisme individualiste et déresponsabilisant. Et faisant donc écho au chemin que l'assassin emprunte et au contrôle qu'il a perdu.
Epuré, radical et froid : pas étonnant, finalement, que The Killer soit reçu de manière aussi fraîche. Et si David Fincher avait seulement fait son Anton Corbijn et donc un cousin de The American ? Alors même que son œuvre est toujours, et peut être plus que jamais, aussi estampillée Fincher ?
Un paradoxe dont il sera permis de se désoler à l'heure de la critique 2.0.
Behind_the_Mask, la vengeance dans la peau.