C'est difficile de faire un film de gangster new-yorkais au début des années 90. Le micro-genre est encore vivace et a déjà des classiques derrière lui. Un grand trafiquant sort de prison et flingue à tout va pour se remettre dans le business. Ce genre de speech peut donner des chefs d’œuvre et des navets de façon assez indifférente. Pour se démarquer, il faut une vision et des personnages. Théoriquement, avec Abel Ferrara et Christopher Walken, on pouvait s'attendre à quelque chose d'intéressant.
Ferrara s'essaye à moderniser d'esthétiser l'environnement mafieux par des touches glamour-porn et de culture hip-hop. Cela donnent d’innombrables scènes de fêtes cokées jusqu'à l'os, prétextes à filmer des corps gaulés et fringués (ou pas) comme dans un clip de Madonna de l'époque. Évidemment, tout ça a très mal vieilli. Évidemment, c'est clairement plus racoleur que provocant.
Certes Christopher Walken capte bien la lumière, est charismatique, troublant et le personnage (où du moins ce que l'on en perçoit) lui va comme un gant, mais il est globalement mal dirigé et semble ne pas savoir quoi faire de ses silences... J'ai en mémoire une scène confondante de gêne où il marche avec son amante-avocate sur un balcon en murmurant des choses non compréhensibles avant de s'arrêter, de se taire, de se retourner deux fois vers l'horizon et de balancer une réplique d'une banalité sans nom.
Laurence Fishburne jeune et en roue libre fait un excellent cabot mais son personnage est assez vain... comme tous les autres. Les personnages secondaires souvent très mal joués en plus d'être mal écrits même si on voit certaines intentions comme du côté de David Caruso, gâchette policière façon Dirty Harry mais en mode jeune et con.
Globalement, le propos est assez mal amené que ce soit la rédemption du héros ou la vendetta des policiers bafoués. En dehors des teufs, l'ami Abel semble vouloir inclure une dose de réalité sociale et de mélancolie avec des plans de rues mal famées et de métro, contemplatifs, heurtés et inintéressants, mais aussi des scènes de vie quotidienne comme le mariage d'un policier dans un pub. Mais la cohérence de l’œuvre ne tient pas en raison d'un goût prononcé pour les fusillades massives et les interventions outrageusement musclées ; ce qui est dommage quand on ne sait pas les filmer. Les courses-poursuite ne sont visiblement pas son truc non plus.
Avec un scenario plutôt basique, Ferrara réussit malgré tout à faire un film poseur et ringard qui donne l'impression d'avoir été motivé par les plateaux de cocaïne présents tous les quatre plans. Si Walken, Fishburne ou Caruso sauvent un peu la mise, on aurait vraiment aimé qu'ils se soient fait un nom et un personnage sur un film plus réussi.