The Land of Hope par Teklow13
C’est donc le premier film abordant la tragédie de Fukushima. Ici vue à travers le regard de 3 couples, 3 générations de japonais, et trois réactions face au drame. Un couple de vieux fermiers qui choisissent de rester chez eux, à proximité de la centrale. Un autre couple, le fils du précédent et sa femme, qui eux fuient, sous l’ordre du père. Et enfin un couple de jeunes ados qui errent comme des fantômes sur les lieux de la catastrophe. Choisir de lutter pour continuer à avancer, de poursuivre comme si de rien n’était ou de s’arrêter et se perdre en route.
Je connais peu, voire pas du tout le cinéma de Sion Sono, j’avais uniquement vu son précédent film, Guilty of Romance. Mais les deux films, en tout cas d’un point de vue formel, ont peu de choses en commun. L’un d’une noirceur très poussée, avec des débordements de violence et des éclats de couleurs donnant la sensation d’un geste punk (sans que le film en soit véritablement un) et l’autre d’une grande douceur malgré son sujet.
Le film est construit comme un film de contaminés, clairement, un film apocalyptique où la menace invisible est omniprésente et s’abat sur les personnages.
Ici la violence du cinéma du cinéaste est perceptible, elle est de chaque plan, mais elle est sous jacente, en hors champ et ne vient jamais déborder dans le cadre.
La réussite principale est peut être là, dans la façon dont Sono aborde ce sujet terrible en se focalisant sur l’humain, le film l’est profondément, et les conséquences quotidienne du drame, tout en laissant percer quelque chose de plus âpre sur la société japonaise (mais pas que bien sûr) mais qui ne prend jamais les devant sur les personnages. Le film a bien sûr une dimension politique, et le cinéaste pose un regard assez noir sur cette société, mais c’est d’autant plus fort qu’il n’acène aucun discours. Son approche est plus subtile. L’idée la plus forte est celle de ne pas réellement aborder le drame de Fukushima. En filmant un nouveau drame, avec une autre usine nucléaire, dans un autre lieu, le film se place sur le registre de l’anticipation. Il se déleste ainsi d’un poids mémorial trop lourd, tout en amplifiant sa dimension en traitant deux niveaux de lecture. Celui de raconter, à travers cette nouvelle catastrophe, ce qui a été, tout en ciblant ce qui pourrait à nouveau être.
Sono contemple, d’un air désolé, le passé, fixe d’un œil acerbe et rageur l’avenir, et centre son récit sur le présent et le quotidien.
Le film est lumineux, pétrie d’humanité et d’espoir, mais il baigne dans un pessimisme ambiant terrifiant. Car outre toute la noirceur du contexte et la dimension dramatique, c’est avant tout d’amour dont il est question. Quand on a tout perdu, qu’il ne reste rien, il reste l’autre. Ses personnages perdus vont se construire un cocon, un nouveau foyer resserré, pour faire face au malheur. Sono n’a pas peur d’aborder ça. Il n’a pas peur de sombrer dans la niaiserie ni dans le tire-larme trop facile, il plonge dedans avec une vraie sincérité, sans calcul. Et du coup l’émotion est réelle et le film devient vraiment émouvant. Le couple de vieux fermiers, le père digne, porteur du Japon et ses traditions, et sa femme sautillante atteinte d’Alzheimer, est bouleversant.
Le film ne sombre pas dans le mélodrame trop facile, d’autre part, car Sono se permet de créer des ruptures, d’aérer la tragédie avec des moments de comédie ou des éléments de fantastiques.
C’est un joli film, loin d’être exempt de maladresses, mais celles-ci sont pardonnables, car quand on tente tout ne peut pas passer. Un film plein d’idées visuelles qui parlent bien plus qu’un long discours. Celle de la combinaison par exemple. Mais surtout, et c’est probablement LA grande idée du film, celle de cette barrière physique qui est sensée marquer le périmètre infranchissable de la centrale.