Intimes chaos relationnels
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le 6 avr. 2018
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[Remarques générales. Je n'ai pas envie de juger et noter des films que je n'ai vus qu'une fois, souvent avec peu de connaissance du contexte de production. Je note donc 5 par défaut, et 10 ou 1 en cas de coup de cœur ou si le film m'a particulièrement énervé. Ma « critique » liste et analyse plutôt les éléments qui m'ont (dé)plu, interpellé, fait réfléchir, ému, etc. Attention, tout ceci sans égard pour les spoilers !]
Une anecdote pour commencer : la projection à laquelle j'ai assisté a été active non seulement à l'écran mais aussi dans la salle. Trois personnes sont parties durant la première heure, et deux qui se sont trompé de salle se sont assises en cours de séance, l'une pendant un quart d'heure !
Pendant la première heure, je me suis ennuyé devant Ostatnia rodzina. Et puis, finalement, j'ai apprécié la deuxième. Il m'est arrivé quelque chose qui se produit généralement plutôt dans les séries : la première heure a permis d'installer des personnages suffisamment complexes pour qu'ensuite ce qui leur arrive soit rendu intéressant par tout ce qu'on sait d'elleux. (Un épisode de milieu de série vu indépendamment des précédents a tendance à laisser perplexe, alors qu'on y trouve beaucoup plus de plaisir (et on comprend !) quand on est déjà entré dans l'intimité des personnages.)
Au niveau de la réalisation et de l'image, un style assez net se dessine. Des plans fixes nombreux, assez longs, et parfois au contraire de longues séquences où la caméra virevolte entre les acteur.rice.s. Un jeu de répétitions ou plutôt de thème et variations (la traversée du terre-plein entre les immeubles, les plans dans l'ascenseur, les découvertes de corps morts...). Et l'utilisation très fréquente de cadres à l'intérieur du cadre, en particulier les encadrements de porte. À la fin, lorsque
Zdzislaw Beksinski (Andrzej Seweryn) trouve le corps de son fils Tomasz suicidé (Dawid Ogrodnik), on a même une petite pirouette qui enchaîne deux encadrements de porte. Il y a aussi plusieurs plans issus de la caméra de Zdzislaw. Tout ceci est au service de la tonalité générale du film, qui montre une vie quotidienne, assez répétitive, confinée à l'intérieur des appartements... et lui donne un style, un ton. Même si tout ne fait pas sens, je ne suis pas un défenseur de l'utilitarisme en matière de réalisation, et j'apprécie ces choix qui participent à l'impression générale que fait le film même si ce n'est pas « au service de » ceci ou cela.
Le film déploie un rythme assez égal, monotone, notamment par l'utilisation de ces fameux plans-longs-et-fixes, que troublent seulement quelques scènes, en général sous l'impulsion de Tomasz. Les décès à répétition, en revanche, n'ont rien de spectaculaire. J'y trouve quelque chose d'à la fois assez macabre, mais aussi assez humain, en somme une sorte d'humour noir.
Ce que j'ai aimé dans Ostatnia rodzina, qu'il me reste après le film, ce sont deux choses. D'abord, la névrose de Zdzislaw, une névrose qui s'exprime dans son travail, mais surtout une névrose archiviste : il veut garder une trace de tout, tout le temps. Cela conduit à des scènes un peu glauques, lorsqu'il filme le quotidien de sa famille ; même lorsque sa femme Zofia (Aleksandra Konieczna) lui demande de couper, il filme sans pudeur ses larmes. Ayant moi-même un penchant pour l'archivisme compulsif, je me suis retrouvé dans ce personnage qui vit entouré de bibliothèques pleines de CD et cassettes bien alignées. L'autre élément qui m'a plu, c'est le personnage de Piotr Dmochowski (Andrzej Chyra), qui interviewe régulièrement la famille Beksinski et rédige un livre sur elle, livre qui choque Zofia, et les questions que cela apporte. Je me rends compte a posteriori que ces deux éléments sont probablement deux des principales sources utilisées pour construire ce film, et qu'ils parlent donc aussi de l'intérêt même de créer un film sur ce sujet.
En revanche, je n'aime pas les films « basé[s] sur des faits réels ». Je n'aime pas qu'un carton au début du film indique ce « basé sur », mais que ne tranche pas au-delà : je ne sais pas à quel point ce que je vois est supposé coller à la réalité, ni à quel point je dois m'attendre à ressentir des choses par rapport au fait que « ça s'est vraiment passé » ou par rapport au fait que « cette histoire est chouette ». Par exemple, j'ai récemment apprécié la façon dont cette question est traitée par I, Tonya (que j'ai par ailleurs beaucoup aimé) : on nous explique au début que le film est une construction basée sur des interviews contradictoires, autrement dit : on sait qu'on ne sait pas où est la vérité, qu'on ne fait que s'en approcher, mais le projet est d'en faire un objet de (bon) divertissement.
Et, pour revenir à Ostatnia rodzina, la conclusion que j'aurais pu écrire avant la projection : le film m'a donné envie d'en savoir plus sur Zdzislaw Beksinski ; sans doute que découvrir l'œuvre du peintre m'apportera rétrospectivement des éléments pour apprécier le film, et que le film m'apportera des clefs pour apprécier l'œuvre. Y a plus qu'à.
Créée
le 2 févr. 2018
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