A bitter tomorrow
Une œuvre erratique, kaléidoscopique, au montage azimuté mêlant un amas d’images d’une puissance pour le moins stupéfiante. Derek Jarman, fidèle à sa réputation de cinéaste underground, s’attèle à...
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le 21 juil. 2017
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Tourné en Super 8 et en vidéo par impératif économique mais aussi en réaction au professionnalisme inhibant de l'industrie cinématographique, The last of England prend la forme d'un poème filmique sombre et rageur faisant le portrait d'une Angleterre plongée dans le chaos en pleine période Thatcher.
Les images sombres en noir et blanc ou monochrome pourpre contrastent avec de rares archives en couleur venant directement de la famille du cinéaste. La destruction du monde telle que Jarman la dépeint s'accompagne d'une voix off récitant un texte écorché oscillant entre naïveté, désespoir et colère. La bande son composée de musique new wave, rock ou classique se voit constamment fracturée par des bruits d'armes ou de coups aux intonations métalliques.
Totalement immersif, The last of England déverse un flot continu de scènes parfois douces mais le plus souvent violentes entrelacées de tableaux fétichistes au gré d'un montage brutal, parfois clipesque, qui ne reprend que rarement son souffle : un jeune homme piétine l'image agrandie d'un corps dénudé avant de s'y frotter, un autre jeune homme s'enlace nu à un militaire, une jeune mariée lacère sa robe, des soldats s'arment et exécutent des condamnés, des constructions en ruine s'effondrent sous les coups de masse...
Une séquence montrant un jeune SDF nu mangeant un chou-fleur résonne étrangement avec la scène de Lee Kang-sheng dévorant un chou chinois dans Les chiens errants de Tsai Ming-liang. Si ce rapprochement ne tient peut-être qu'au hasard, les images de Jarman renvoient constamment à celles d'autres artistes qui, à la marge comme lui, peignent la violence du monde.
La fulgurance formelle et la rage désespérée qui habitent The last of England le parent d'un lyrisme ravageur. Jarman y expérimente un art total et revendicatif, un art de combat qui livre sans cesse « la bataille pour un cinéma qui mûrit, qui exploite les expériences directes de l’auteur comme le font les autres formes d’art, qui se dresse contre les corps constitués et déclare que la base du travail, c’est l’expérience. »
À noter, la présence de celle qui deviendra la muse et l'amie de Jarman, la jeune Tilda Swinton qui a débuté un peu plus tôt avec lui dans Carravagio.
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le 21 juin 2017
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