De Rugy n'est pas le personnage principal de ce film !

Je ne fais pas attention au spoil, je pense qu'il vaut mieux avoir vu le film pour lire ma critique mais comme vous voulez. Quoi qu'il en soit, je vous le conseil.


J'ai beaucoup aimé ce film pour le moins déroutant. Alors certes, il pourra repousser nombre de personnes de par sa forme et son fond, mais franchement, je pense qu'il vaut le détour.


D'abord, sur la forme, les dialogues sont l'un des premiers éléments qui interpelles. Ils sont très théâtraux, fond très faux et dérangeants. On sait déjà, sans qu'on nous ait rien dit ou montré, qu'on se situe dans un univers particulier où les gens sont sans cesse soumis; soumis au regard de l'autre, soumis au système qui régit ce monde, et surtout soumis à l'absurde qui domine le film. Ce dernier point est d'ailleurs à mon sens l'un des thèmes principaux du film, mais j'y reviendrai. Toujours est-il que si ces dialogues peuvent paraître rebutants, mais sons plein de sens. D'abord, ils expriment, comme je l'ai dit, l'hypocrisie et l'individualisme du monde présenté. Mais surtout, ils provoquent un double sentiment paradoxal chez le spectateur. A la fois, le spectateur peut comprendre facilement ce que les personnages veulent obtenir des conversations, chose facilité par la voix off, qui ne manque pas de second degré, et peut avoir de l'empathie pour ces personnages. Mais par ailleurs, ces dialogues étranges et irréels provoquent un sentiment de malaise et de distanciation par rapport aux personnages, les rendant étrangers. J'ai trouvé cela très intéressant.
Autre point intéressant sur la forme, l'image est assez belle et retranscrit bien les messages qui veulent être transmis, avec une image froide où l'on sent la fameuse inquiétante étrangeté. Bref, on sent qu'on est pas face au premier glandu venu.


Ensuite sur le fond, le sujet du film est l'angoisse des personnages qui doivent, dans ce monde, trouver leur âme sœur, sous peine d'être changé en animal de leur choix. On parle donc de l'amour, de comment séduire, et de l'injonction à être en couple, qui est ici institutionnalisée. Ca me touche personnellement et je trouve ça intéressant car dérangeant. On aura le droit à moult sorte de situation gênantes et pirouettes rhétoriques pour échapper à des situations embêtantes. Ces moments ne sont pas sans nous rappeler notre propre hypocrisie nécessaire dans nos dialogues et nos comportements sociaux. D'ailleurs, si l'on se dit que ces dialogues n'arrivent que dans ce monde absurde et dystopique, on se rend vite compte de leur pertinence dans notre vie, ce qui renvoie à l'absurde potentiel de notre vie sociale. C'est très dérangeant et j'aime beaucoup.


Pour poursuivre sur l'absurde, et revenir à ce que j'évoquais plus tôt, le film est clairement régis par cet absurde inquiétant, pesant. La plupart des personnages s'y soumettent, en joue à leur avantage à de rares occasion, donnant un aspect méta au film, mais restent le plus souvent impuissants, que ce soit à trouver l'amour ou à se révolter contre ce monde. Le personnage de Seydoux illustre parfaitement ce point. Elle apparaît d'abord comme une rebelle au système, comme la figure classique d'une résistance. Mais très rapidement, on se rend compte qu'elle n'a mis en place qu'une autre dictature, simplement opposée à celle dominante. Elle assoit son pouvoir par son utilisation des règles du monde qui l'entoure et joue souvent de l'absurde pour dominer les autres. Je pense en particulier à la scène où elle fait creuser sa tombe au personnage principal, et où elle lui répond par une logique totalement absurde. Mais au final, ces règles se retourne contre elle, et elle se retrouve dans la tombe, dans une situation justement absurde. Si elle en a joué un temps, elle s'y retrouve au finale soumise, comme tout le monde.
Le personnage principal y est également soumis, tout comme son amante. En effet, ils se retrouvent aveugles, aveugles au monde qui les entoure, avec pour seule image en tête celle de leur amoureux.


Un film très intéressant donc, qui ne laisse pas insensible. A voir !

MrCrepe
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2015

Créée

le 18 mars 2020

Critique lue 129 fois

MrCrepe

Écrit par

Critique lue 129 fois

D'autres avis sur The Lobster

The Lobster
Sergent_Pepper
6

Société profasciste des animaux.

The Lobster fait partie de ces films qui font les frissons de l’annonce de la sélection, quelques mois avant le festival de Cannes : un pitch singulier, un casting de rêve prêt à se compromettre, et...

le 26 nov. 2015

158 j'aime

16

The Lobster
pphf
4

Homard m'a tuer

Prometteur prologue en plan séquence – avec femme, montagnes, route, voiture à l’arrêt, bruine, pré avec ânes, balai d’essuie-glaces, pare-brise et arme à feu. Puis le passage au noir, un titre...

Par

le 31 oct. 2015

143 j'aime

33

The Lobster
JimBo_Lebowski
5

Lapin mécanique

Je partais avec un sentiment assez contrasté avant de voir ce Lobster, à l’image de mon expérience de deux autres films de Lanthimos, enthousiasmé par Canine et rebuté par Alps, le cinéaste grec...

le 30 janv. 2016

113 j'aime

8

Du même critique

Dragon's Dogma
MrCrepe
3

J'ai rajouté un point pour les nichons.

Dans cet anime, nous suivons Ethan XxDeadShadowxX au sombre passé qui n'a plus de parents (ça alors!) mais qui a réussi à trouver l'amour et veux fonder une famille. Mais pas de chance, la série...

le 13 oct. 2020

8 j'aime

White Riot
MrCrepe
4

La musique est plus forte que les méchants Nazi !!!

White Riot, en plus d'être le titre d'une belle chanson des Clash, est le titre d'un documentaire de Rubika Shah dans nos salles au moment où j'écris cette critique. Le documentaire se propose de...

le 9 août 2020

5 j'aime

1

Deca-Dence
MrCrepe
4

C'était pas loin d'être très bon, mais en fait non.

Deca-dence est un anime que je n'attendais pas et que j'ai découvert à sa sortie, assez intrigué. Si l'on a déjà vu ce genre d'univers avec l'humanité qui survit dans une forteresse face à des...

le 11 oct. 2020

3 j'aime

2