The Lobster du réalisateur grec Yorgos Lanthimos est un film curieux qui "me semble-t-il" va chercher son inspiration du côté des frères Coen (Barton Fink) ou de Wes Anderson (The Grand Budapest Hotel), voire mêm du côté de Stanley Kubrick (Shining). Ceci me fait dire que, dans les films, les hôtels ça ne présage rien de bon.
Dans The Lobster, les personnages sont tous dysfonctionnels et semblent être à la dérive, délivrant leurs répliques avec un manque flagrant de conviction et d’émotion. On assiste à des rituels étranges, voire même un peu ridicules, qui sont sensés motiver les invités dans l'optique de trouver l'âme sœur. Mais voilà, l’horloge tourne, il faut trouver le partenaire idéal au plus vite (dans les 45 jours) et former un couple ... ou alors vous serez transformé en animal, celui de votre choix. Pour notre héros (Colin Farrell), ce sera un homard (aka the lobster).
La première partie du film est amusante, décalée et divertissante. Le style est recherché et intéressant, oscillant entre confort plaisant et complaisance malaisante. Certains plans traînent un peu en longueur, mais c'est voulu, c'est pour renforcer le malaise. Les dialogues secs et impassibles renforcent encore plus ce sentiment de malaise lancinant. Colin Farrell prouve tout l'étendu de son talent. Il n'a plus l'âge de jouer les jeunes premiers, beaux et séduisant. Ici on le retrouve la quarantaine bien tassée, l'air triste, avec du ventre et une horrible moustache. Il est à la fois pathétique et attendrissant. Quant à Ben Whishaw, John C. Reilly, Ashley Jensen et Rachel Weisz (seulement en voix off dans un premier temps) ils complètent un casting vraiment très attachant.
Puis le film rentre dans sa seconde partie et tout change. On change de décor, on passe de l'hôtel austère à la forêt hostile. De nouveaux personnages sont introduits et l’ambiance devient beaucoup plus sombre que malaisante. On n'est plus là pour rigoler, les enjeux ont changé. Il est difficile de s’identifier aux nouveaux personnages guidés par Léa Seydoux (qui fait du Léa Seydoux), car nous nous étions déjà investis émotionnellement dans les précédents. Mais au moins, le réalisateur va jusqu'au bout de ses intentions, personne ne sera épargné. Le final sera donc à l'image de cette seconde partie du film, très sombre ...
Colin Farrell va devoir se crever les deux yeux à l'aide d'un couteau de cuisine pour être le partenaire idéal de Rachel Weisz devenue aveugle.
Au final, que penser de tout ça ? Le casting est impressionnant pour un film à petit budget, mais les performances d'acteurs sont discrètes et presque sans expression ... tout est dans le non-jeu. Jamais John C. Reilly n'aura été aussi sobre dans son jeu, par exemple. L'hôtel dans lequel se déroule toute la première partie du film n'est pas très accueillant, avec une déco fade et des couleurs désaturées, tandis la forêt est le lieu de tous les dangers ... quoi qu'il en soit, que ce soit dans l'hôtel ou dans la forêt, on se sent indésirable. Il n’y a pas de flashbacks ou d’autres dispositifs cinématographiques qui offrent un aperçu sur les évènements qui auraient conduit à cette dystopie (une utopie qui a mal tourné dans le texte). Il ne nous reste plus qu'à trouver du sens à tout ça, ce qui n'est pas chose facile.
Mais si vous réfléchissez à la part de nos vies consacrée à la recherche du partenaire idéal. Si vous réfléchissez à la façon dont la société consumériste est obsédée par la beauté, le sex-appeal et les apparences, alors les métaphores absurdes de The Lobster commencent à avoir du sens. La ville du film n’est pas si différente des émissions de téléréalité où les candidats recherchent le partenaire idéal en fonction de caractéristiques prédéterminées. La vraie question est de savoir alors, pourquoi les célibataires sont ostracisés et pourquoi y a-t-il une telle pression pour trouver le partenaire idéal ? Et je parle bien de nous, dans la vie réelle et pas des personnages dans le film.