The Lobster - Entre individualisme et sites de rencontre.

Récompensé par le prix du jury du Festival de Cannes, The Lobster est un film britannico-grec réalisé et coécrit par Yorgos Lanthimos (Kinetta, Alps) et distribué en France par Haut et Court.
Posons le contexte : ce film, premier que le réalisateur ne réalise pas en langue grecque, est né d’une conversation entre lui et son coscénariste Efthimis Filippou sur le besoin qu’éprouvent tout un chacun à être en couple, et leur vision des célibataires.


Même si le film a été tourné en Irlande, entre Dublin et le comté Kerry, l’action ne contient pas de précisions géographiques : elle suit l’histoire de David, joué par un Colin Farrel méconnaissable après avoir du prendre 20 kilos pour le rôle, dans sa recherche d’une nouvelle relation sentimentale suite à son divorce.


Celui-ci se retrouve donc enfermé dans un hôtel dans lequel il aura 45 jours pour trouver l’amour. S’il y parvient, il pourra rejoindre avec sa compagne la Ville, Graal de la normalité, faute de quoi il se verra transformé en animal. Il portera son choix sur le Homard. Cependant, suite à un choc, il s’enfuit et rejoint les Solitaires dans la forêt, chez qui toute relation sentimentale intime est proscrite.
Que les choses soient dites : ce film est un bon film, qui nous pousse à réfléchir sur ce que la société nous pousse à faire pour être en couple, afin de ne pas être rangé parmi les marginaux, et sur le traitement qu’elle réserve à ses éléments indésirables.


Commençons par le commencement : la décision de Lanthimos de tourner exclusivement en lumière naturelle (excepté quelques scènes de nuit), et sans maquillage, donne au film un ton et une atmosphère très organique. Celle-ci sert parfaitement le propos de film : en effet, cet éclairage naturel donne au film un ton passé et aseptisé qui correspond parfaitement à la futilité des relations créées à l’Hôtel et à l’individualisme forcené des Solitaires ; il permet également de créer une dichotomie visuelle entre ces deux partis grâce à une excellente performance du chef décorateur : il existe un côté très carré, droit, voire classique dans la blancheur presque « médicale » de l’Hôtel qui s’oppose à la « sauvagerie » de la forêt des Solitaires. De plus, le fait d’avoir grimé tous les résidents de l’Hôtel en M.Mme Toutlemonde permet à chacun une certaine identification.


Ce film est, à mon sens, une critique acerbe et décomplexée du paradoxe que connaît notre société aujourd’hui : nous évoluons constamment entre hyperindividualisme forcené et peur panique de la solitude amoureuse.


En effet, je vois l’Hôtel comme étant une métaphore des sites de rencontre, à travers sa formation de couples dans un temps imparti. Par peur d’une potentielle transformation en animal (c’est à dire, d’une marginalisation par la société du fait de leur solitude), les résidents se verront obligés par eux-même de former des couples, non pas sur une attirance mutuelle mais sur une correspondance de goût, quitte à mentir et à contrefaire ce qu’ils sont pour parvenir à se sortir de la zone de « danger ». Le plaisir partagé y est glorifié et tout plaisir individuel puni (masturbation).


D’un autre côté se trouvent les Solitaires, qui refusent toute idée de plaisir partagé par deux êtres potentiellement amoureusement attachés, quitte à les punir. Il s’agit d’une masse uniforme sans unité qui porte très peu d’intérêt à leurs congénères mais sont prêts à se grimer et à falsifier ce qu’ils sont pour atteindre les biens normalement réservés aux « couples ».
Entre les deux partis existe également une « chasse » acceptée, ritualisée et organisée dans le but de marginaliser de force ceux qui ont choisi d’être Solitaires.


Entre ces deux partis, David, le personnage principal, tente de se remettre de son divorce. S’il est originellement prêt à changer ce qu’il est pour atteindre à nouveau l’idée que la société se fait de la normalité, son expérience ratée ainsi qu’un choc subi à l’Hôtel le poussera a s’enfuir parmi les Solitaires. C’est là qu’il trouvera, de manière assez ironique, le réel amour, c’est à dire celui basé de prime abord non pas par des intérêts communs mais par une attirance mutuelle.


Cependant, il est des sacrifices que nous ne sommes pas à même de faire, même pour ceux que nous aimons réellement.


En espérant vous avoir été utile,


MFWM.


Retrouvez toutes mes critiques cinéma et jeux vidéo sur le Tumblr Motherfucking Watermelon et n'hésitez pas à me follow sur Twitter & IG : @MF_Watermelon !

SandorZK
7
Écrit par

Créée

le 3 nov. 2015

Critique lue 460 fois

Critique lue 460 fois

D'autres avis sur The Lobster

The Lobster
Sergent_Pepper
6

Société profasciste des animaux.

The Lobster fait partie de ces films qui font les frissons de l’annonce de la sélection, quelques mois avant le festival de Cannes : un pitch singulier, un casting de rêve prêt à se compromettre, et...

le 26 nov. 2015

159 j'aime

16

The Lobster
pphf
4

Homard m'a tuer

Prometteur prologue en plan séquence – avec femme, montagnes, route, voiture à l’arrêt, bruine, pré avec ânes, balai d’essuie-glaces, pare-brise et arme à feu. Puis le passage au noir, un titre...

Par

le 31 oct. 2015

143 j'aime

33

The Lobster
JimBo_Lebowski
5

Lapin mécanique

Je partais avec un sentiment assez contrasté avant de voir ce Lobster, à l’image de mon expérience de deux autres films de Lanthimos, enthousiasmé par Canine et rebuté par Alps, le cinéaste grec...

le 30 janv. 2016

113 j'aime

8

Du même critique

The Lobster
SandorZK
7

The Lobster - Entre individualisme et sites de rencontre.

Récompensé par le prix du jury du Festival de Cannes, The Lobster est un film britannico-grec réalisé et coécrit par Yorgos Lanthimos (Kinetta, Alps) et distribué en France par Haut et Court. Posons...

le 3 nov. 2015

Crimson Peak
SandorZK
4

Un triste téléphonage.

Bonjour à toutes et à tous. Ceci étant ma première critique, je vais faire de mon mieux et tenter au maximum d'éviter les spoilers. Crimson Peak est donc un "film d'horreur" coécrit, coproduit et...

le 14 oct. 2015