L'amour rend aveugle, c'est bien connu. Yorgos Lanthimos va au bout de ce postulat et le revendique, même s'il nous épargne une ultime image d'Œdipe aux yeux crevés. Le film s'ouvre dans un Centre prétendument favorable à l'amour, puisque s'y trouvent réunis les célibataires récalcitrants, avec mission de tomber amoureux en 45 jours, sous peine de métamorphose animale. Mais qu'est-ce d'autre, là, qu'un amour à la Facebook, transparent, formé sous les applaudissements de l'assistance ? Un recours semble s'offrir auprès des Solitaires, sorte de tribu ensauvagée et indépendante, revendiquant le célibat au point de proscrire le moindre flirt et de punir sévèrement, physiquement, le moindre écart.
Significativement, c'est dans cet espace où l'amour n'est pas prescrit que celui-ci va pourtant prendre naissance, irrépressiblement, au point de braver tous les interdits et tous les dangers. C'est sans doute cela qu'a voulu nous montrer Lanthimos : dans une société où l'amour est menacé, soit parce que outrancièrement prescrit, soit parce que outrageusement proscrit, la naissance d'un véritable couple sera toujours une sécession, un "merde" au groupe, donc un scandale, une rupture, exposée aux représailles et comportant un prix à payer, exorbitant.