Critique rédigée en février 2020
Richard (Richard Armitage) venant de perdre sa femme, suicidée sans raison apparente, ambitionne d'épouser Grace (Riley Keough) pour compenser sa douleur. Ne parvenant à faire le deuil, les jeunes Aiden et Mia (Jaeden Martell et Lia McHugh) voient d'un mauvais oeil l'arrivée brusque de cette femme au sein de leur chalet. En pleine absence du père, les deux enfants se retrouvent un jour bloqués en compagnie de leur énigmatique belle-mère dans leur modeste demeure ; pourtant le lieu où parano et mauvais tours se confondent à ses yeux... Et chacun de déterrer la peine et la rage de l'autre dans une lente décadence qui n'épargnera aucun des quatre gens.
Qu'il est bon parfois de tomber sur une rareté sans en attendre quelque chose d'aussi brillant !
Sur le papier une histoire classique mais aussi plaisante pouvait mettre l'eau à la bouche. The Lodge est un thriller aux images incommodes à en crever et qui prennent leur temps au point d'en devenir limite ennuyeux à en réveiller les morts tout ce qu'il y a de plus intriguant.
Quiconque connaissant Carpenter ou Haneke fait le lien directement avec les classiques du huis clos, ses infinis décors couverts de neige contre lesquels se bat un cercle restreint de personnages a posteriori en terrain familier pour finalement peu de rebondissements. Complots, suspicions, ou tout simplement besoin de cracher un grand coup son mal être, le tout avec un soupçon d'offensive religieuse, tout ceci ne manque pas d'être déduis par quiconque faisant l'effort de chercher la source du mal.
Par ses emprunts formels à Shining (pour les décors), The Thing (explicité par la séquence de la TV) en passant par Funny Games et La Main sur le berceau (pour le home invasion),
(explicité par une scène ô combien oppressante s'achevant dans les escaliers du grenier)
The Lodge a pour toile de fond et de plus belle l'intrusion d'une individu au sein d'une famille jusque ici bien rangée, et la relative complexité de celle-ci m'a tenu éveillé du début à la fin.
La sobriété des décors et de la mise en scène en général étant bien sûr un avant-goût non négligeable, Severin Fiala et Veronika Franz nous servent un véritable portrait croisé de trois pauvres états d'âme formidablement retranscrits...
...de cette belle-mère incapable de s'intégrer dans sa nouvelle famille à Mia, en incapacité de deuil.
Sous un regard innocent, nous observons trois mondes sur le point de basculer et les blessures qui en jaillissent, en nous posant bon nombre de colles sur les faits et gestes, ainsi que les troubles profonds des personnages. Dans ce film, le cocon parental est victime de la cécité provoquée par le deuil et le besoin d'un repère (représentée par la figure paternelle en quête d'un objet de consolation).
Sans oublier la femme étant rejetée par les enfants du mari, dont elle soupçonne les jeux contre sa faveur ne faisant d'agrandir la jalousie poussant au meurtre et à la folie.
L'ensemble est riche en interprétations parfaitement lisibles, par rapport à d'autres thrillers macabres de la sélection Gérardmer 2020 tels que le pauvrissime et poussif Répertoire des villes disparues. De nombreuses séquences en appel telles que le prologue, la douche, le lac et le chat (que je ne dévoilerai pas davantage sous peine de rompre l'interprétation assidue de quiconque l'ayant vu) trouvent réponses dans une seconde partie non pas moins riche en identité esthétique mais toujours plus en révélations mystiques sur les personnages et leurs motivations. La nature bien sûr joue aussi un rôle méditatif imposant, notamment la neige, personnage à part entière et métaphore classique des maux glaciaux qui étreignent la petite famille tout le long.
La femme n'étant pas à son coup d'essai comme le démontre les quelques flashbacks, elle tue brutalement ce qu'il reste de la famille par des images très explicites, triomphant ainsi des absences dont elle a souffert. Littéralement, une profanation de sépulture encore toute fraîche.
Sur-ce, The Lodge est un thriller extrêmement cohérent à la fois narrativement et esthétiquement, à l'horreur montrée de manière minutieuse et sans pitié aucune. Car au-delà du schéma thriller commun, se dresse une parabole du deuil et de l'acceptation de l'autre, au suspense exubérant qui ne néglige pas les twists cohérents et les révélations. Film d'une mélancolie et d'une crasse incommode, The Lodge répond aux codes d'un grand classique de Gérardmer et vaut incontestablement le statut d'incontournable.