Impossible de parler de ce film sans en dissocier absolument la forme souvent somptueuse, du fond pour le moins déroutant, pour ne pas dire abscons.

The Master, haute définition

La (grande) forme d'abord, donc.
Paul Thomas Anderson soigne ses intros, on le sait de manière éclatante depuis there will be blood.
Cette fois encore, le premier quart d'heure, s'il ne ressemble en rien à son prédécesseur, est souvent magnifique. Il y a des cadrages (la plage, le bateau), des idées scénaristiques et des dialogues suffisamment percutants pour immédiatement se sentir en confiance: on sent bien que le cinéaste boxe dans une catégorie à part, loin de la plupart de ses contemporains.
Le problème, c'est qu'il le sait.

Ces idées multiples (la blague sur les morpions m'a fait rire, de même que la scène sur les planches de Rorschach), ces scènes fortes ou déroutantes (le client dans le magasin, les convives féminines soudain nues, la prison) sont suffisamment fulgurantes pour qu'à aucun moment on ne regrette l'expérience.

Le maître de l'air

Le problème vient donc bien du fond. Comme si Anderson, pourtant en présence d'une matière riche, n'avait pu se résoudre à rendre le fil de son récit trop clair, de peur de ne pas être à la hauteur du chef-d’œuvre qu'il voulait réaliser. Hélas, la part de mystère est si bien entretenue qu'on se sent bien incapable de savoir de quoi parle réellement le film.
Une sorte de grande œuvre à trou que le spectateur se doit de remplir. Un de ces fameux films qui "font confiance à l'intelligence du spectateur", cette fameuse formule qu'utilisent ceux qui ont aimé, leur permettant de penser qu'ils appartiennent à une élite d'autant mieux protégée que pratiquement impossible à définir.

Les Etats-Unis des années 50 sont terriblement romanesques et graphiques. Anderson parvient à l'exploit d'y camper un film passionnant mais un peu vain, déroutant et par moment convenu.
Cherchant le coup de maître, le réalisateur a trop cultivé une forme d’ambiguïté qui a fini par rendre son film indistinct, pour ne pas dire indécis.

Bien sûr, malgré cette déception, PTA conserve la licence de continuer à essayer, à chercher, à viser haut ("a licence to shoot", en quelque sorte).
Car c'est bien le problème cette fois: à trop vouloir atteindre le Master, son auteur n'a finalement décroché qu'une licence.
guyness

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

47
9

D'autres avis sur The Master

The Master
Bex
6

Critique de The Master par Bex

Si j'écris cette critique, c'est bien plus pour tenter de clarifier mon sentiment vis-à-vis du film que pour réellement lui accorder sa vraie valeur. En effet The Master est le genre de film très...

Par

le 11 janv. 2013

95 j'aime

11

The Master
Anyo
9

Confrontation Mutuelle

Paul Thomas Anderson peaufine son art de film en film. Après la frénésie de ses débuts et de ses films chorales tous impregnés d'une insouciance formelle manifeste, le cinéaste américain semble...

Par

le 9 janv. 2013

91 j'aime

6

The Master
guyness
6

La voie de son maître

Impossible de parler de ce film sans en dissocier absolument la forme souvent somptueuse, du fond pour le moins déroutant, pour ne pas dire abscons. The Master, haute définition La (grande) forme...

le 20 mai 2013

47 j'aime

9

Du même critique

Django Unchained
guyness
8

Quentin, talent finaud

Tarantino est un cinéphile énigmatique. Considéré pour son amour du cinéma bis (ou de genre), le garçon se révèle être, au détours d'interviews dignes de ce nom, un véritable boulimique de tous les...

le 17 janv. 2013

344 j'aime

51

Les 8 Salopards
guyness
9

Classe de neige

Il n'est finalement pas étonnant que Tarantino ait demandé aux salles qui souhaitent diffuser son dernier film en avant-première des conditions que ses détracteurs pourraient considérer comme...

le 31 déc. 2015

318 j'aime

43

Interstellar
guyness
4

Tes désirs sont désordres

Christopher navigue un peu seul, loin au-dessus d’une marée basse qui, en se retirant, laisse la grise grève exposer les carcasses de vieux crabes comme Michael Bay ou les étoiles de mers mortes de...

le 12 nov. 2014

299 j'aime

141