The Master est un Tsui Hark particulier; quelques années avant son entrée fracassante (pour sa carrière internationale) dans le cinéma américain, il réalisait déjà ce petit film avec Jet Li, qu'on croirait tout droit sorti de studios hollywoodiens, et dont le but serait de faire un pastiche humoristique des grands films de kung-fu hong-kongais (principalement des classiques avec Bruce Lee).
C'est son ton qui surprend le premier : à mi-chemin entre le pastiche et la parodie, il se perd souvent dans un humour sans chute, surjoué, et dont on a du mal à comprendre l'utilité. Serait-il possible que Tsui Hark se soit perdu, qu'il n'ait plus grande imagination venue 1992? L'arrivé, seulement deux ans plus tard, du magnifique The Blade prouvera le contraire.
Plus qu'un problème d'imagination, The Master semble pâtir d'un déficit d'entrain; drôlement monté, joué sans grande émotion, il transmet, tout du long, une mollesse de tous les niveaux, si ce n'est de mise en scène. Paresseux jusque dans son écriture, il développe peu ses personnages et nous livre une histoire stéréotype dont on connaît déjà la conclusion à peine l'introduction dévoilée, au scénario d'ailleurs proche d'un mauvais Van Damme, Norris ou Seagal.
Heureusement que la bouille toujours joyeuse de Jet Li dynamisera un peu le tout, rendu mou par des méchants ultra-caricaturaux aux mulets de l'apocalypse et ses dialogues emprunts de clichés, quand ils ne tentent pas de multiplier les punchlines (cela dit toutes mauvaises) ou les clichés ethniques (avec des latinos qui ressemblent étrangement à des asiatiques). Ainsi, la seule représentation de l'occidental important dans l'intrigue se fera autour de ces hommes à mulets, blouson en cuir sur l'épaule et rictus de grand méchant qui ne les quittera qu'une fois morts, profondément idiots et vaniteux, mauvais et cruels, dont le grand patron porte le joyeux sobriquet (fort original) de Johnny.
Face à cela, l'asiatique, toujours souriant, conduira à de nombreuses blagues étranges, tantôt ridicules (les futurs disciples de Jet Li qui s'agenouillent devant lui quand il se met en garde, alors qu'ils l'avaient volé juste avant) tantôt incompréhensibles (Li heureux de rester à la fin, et qui se moque de sa possible bien aimée qui, désireuse de le suivre en Chine, devra s'y conduire toute seule).
Heureusement, le talent de Tsui Hark viendra rattraper l'incompréhension générée par l'oeuvre, encore qu'on pourra lui reprocher de manquer d'imagination. S'il nous avait habitué à mieux, c'est surtout au niveau des combats qu'il semble peu inspiré; s'il tente toujours d'innover, il manque de la hargne de The Blade, des vertiges de Time and Tide, du rythme effréné de Double Dragon.
Visuellement fade, The Master contente peu l'amateur d'Hark et de ses histoires, ici simple intrigue de vengeance, d'héritage et d'amour de tout ce qu'il y a de plus banal dans le cinéma international d'action. Peu inspiré, il reste un divertissement agréable tenu par un Jet Li toujours aussi impressionnant, véritablement déchaîné dans un combat final certes bordélique mais très spectaculaire.
Un film sans grande saveur, qui vaut plus pour la chorégraphie de ses combats que pour son intrigue simpliste, ses personnages banals et sa mise en scène assez plate, proximité avec des séries b fauchées décuplées par sa bande-son insupportable et constamment à côté de la plaque (faut l'entendre écorcher les oreilles sur le duel final; c'est unique).