Trois visionnages. C'est ce qu'il aura fallu avant de me rendre à l'évidence: mon 8 accordé initialement au deuxième long métrage de Na Hong-Jin était bel et bien une note de fesse-mathieu !
Pourtant emballé dès la première fois, je dois admettre que je n'avais pas tout saisi à l'histoire de "The Yellow Sea" - au passage ce titre international est tellement plus classe que "The Murderer" ! - avant de revoir le film quelques mois après. Cela ne m'a pas empêché d'être embarqué par ce héros Joseonjok (non, il ne s'agit pas de son prénom, mais du nom d'un peuple minoritaire souvent exploité, mal intégré, et parqué dans la préfecture autonome de Yanbian, Chine) tourmenté et accro au Mahjong. Très endetté, il se retrouve dans une situation désespérée et accepte un contrat un peu particulier, qui l'emmènera en Corée, où il espère retrouver sa femme, partie six mois plus tôt pour gagner de l'argent et n'ayant donné aucune nouvelle depuis. Evidemment, tout va se compliquer, on est dans un coréen après tout. Préparez-vous à du glauque et à du sang.
Le récit est emprunt d'une grande mélancolie, tandis que noirceur et ironie, de bout en bout, la bobine irradient. Hong-Jin jamais ne badine ni se débine, c'est ainsi que sur sa trombine, et alors même que devant ses yeux ébahis à la chaîne on assassine, le spectateur réceptif et assidu recevra une décharge de chevrotine, et éprouvera autant de plaisir que s'il naviguait au beau milieu d'une partie fine. Accompagnant à merveille cet habile mélange des genres, du thriller au drame social, en passant par le bon vieux film de mafieux, une bande son envoûtante et déprimante (voir le Ending Theme repris en boucle dans le menu Blu Ray, un morceau simple, aussi entêtant qu'il ne donne le bourdon).
Le rythme quant à lui oscille grandement durant les 2h20, véritables montagnes russes. Tout va à cent à l'heure, pourtant la caméra prend le temps de se poser longuement entre deux scènes énervées. La seule chose à ne jamais faiblir, c'est la tension. Rarement devant une oeuvre cinématographique, je n'ai été agrippé à mon fauteuil si longtemps et si fermement. Un trip viscéral, d'une implacable intensité, renforcé par une violence crue, visuelle, par l'aspect sale et glauque de l'univers dépeint, mais aussi psychologique, par la cruauté et l'inéluctabilité des évènements.
On reproche à de nombreux films d'appuyer lourdement sur les liens entre les personnages, leurs actions, les conséquences de leurs actes, en bref, de prendre le spectateur pour un jambon. Ici, c'est tout l'inverse. L'intrigue ne se livre pas, elle est complexe. Beaucoup de personnages entrent en jeu, parfois présentés sommairement, voire pas du tout. D'où la nécessité d'avoir une écoute active (ou plutôt une lecture attentive, si comme moi vous optez pour la VOST et ne comprenez pas le coréen) afin de recoller peu à peu les pièces du puzzle. Tenez, un montage assez drôle trouvé sur le net et expliquant vaguement le scénario, NE CLIQUEZ PAS SI VOUS N'AVEZ PAS VU LE FILM, ou alors à vos risques et périls ! http://img15.hostingpics.net/pics/209012Murdererplot.jpg .
Si reproche il devait y avoir, pour ma part, ce serait cette caméra qui dans l'action, est parfois vraiment trop tremblotante. Curieusement cela ne m'a pas empêché de comprendre ce qui se déroulait, mais la sensation n'en demeure pas moins désagréable ponctuellement. Cette mise en scène survoltée n'aura néanmoins nullement entaché ma redécouverte: le plaisir demeure total. Et quitte à parler de bonheur, difficile de passer sous silence la performance des acteurs. Jung-Woo Ha, un Gu-Nam tour à tour féroce et désemparé. Quelque part entre force et fragilité, profondément humain, sa détermination sera sans failles pour retrouver sa femme et éponger ses dettes. Opération "Fresh start". Yun-Seok Kim incarne un Myun en "God mode". Une force de la nature qui n'hésite pas à se salir les mains pour arriver à ses fins. Ils sont les hommes forts du film, mais n'ayez crainte, les autres acteurs assurent le show eux aussi.
Au premier regard, "Hwanghae" (The Murderer) m'aura épaté, plus encore que le déjà très bon "Chugyeogja" (The Chaser). A présent, le second film de Na Hong-Jin me fascine. L'un de mes plus beaux contacts avec le cinéma coréen, assurément.