The Murderer par Ryo_Saeba
L'explosion de l'industrie du cinéma Sud Coréen au niveau local, grâce à des films comme Shiri, JSA, Friend ou encore My Sassy Girl, a permis l'émergence d'une nouvelle génération de réalisateurs et de se construire une réputation au niveau international. Hong-jin Na qui fait parti de cette nouvelle génération, s'est lancé dans le grand bain en 2008 avec The Chaser, un polar rythmé et haletant très réussi. The Yellow Sea son second long métrage, sorti en France sous le nom de The Murderer, suscitait donc une attente justifiée, d'autant plus qu'il avait eu les honneurs de faire parti de la sélection officielle du festival « un certain regard » à Cannes en 2011.
Dès l'introduction Hong-jin Na nous plonge dans un univers sombre et désespéré, celui de Gun-nam un « Joseon-Jok » parti de sa Corée du Nord natale pour s'installer dans la ville chinoise de Yuji et qui doit de l'argent à des prêteurs sur gage après avoir emprunté une grosse somme pour payer un visa afin sa femme puisse s'installer en Corée du Sud. Seulement 3 mois après que sa femme soit parti, cette dernière n'a toujours pas envoyé la moindre somme d'argent, ni donné signe de vie. Pour ne rien arranger, l'intégralité de ce que Gun-nam gagne la journée en faisant le taxi, il le perd le soir au Mahjong avant de rentrer chez lui se soûler. C'est donc au pied du mur, qu'il n'a pas d'autre choix que d'accepter la proposition fait par Myun, le parrain local, qu'il lui propose d'assassiner une homme pour lui en Corée du Sud.
Tout comme une grande majorité des polar Sud Coréen de ces dernières années, la violence est exacerbée et omniprésente. Les protagonistes se battent à coup de couteaux et machettes de manière très sanglante. Le réalisateur mélange cependant habillement les ellipses et le hors champ avec une brutalité extrême face caméra. Dans une scène par exemple on voit Kim Yun-seok, une hache à la main, dans un couloir étroit avec du sang sur les murs et ses victimes sur le sol. Contrairement à un OldBoy où l'on voyait Choi Min-Sik dans une situation similaire étaler ses victimes une à une, ici on ne voit que le résultat. Mais à côté de ces ellipses, on peut voir ce même Myun planter une machette dans la tête d'un homme avant de prendre appui avec son pied sur son torse en tirant sur l'arme pour la retirer de manière très crue et réaliste. D'ailleurs la performance de Kim Yun-seok qui joue Myun est impressionnante de part sa bestialité, il dégage un charisme et une force imposante tout en ayant l'apparence et les attitudes d'un gangster pouilleux. Jung-woo Ha qui joue Gun-nam, le personnage principal, livre lui aussi une brillante prestation, toujours sur le qui-vive et avec cette constante lueur de désespoir dans ses yeux.
Au niveau de la réalisation, dans l'ensemble c'est assez réussi même si il y a trop de shacky cam à mon goût. Passe encore quand c'est pour filmer des gros plans champs / contre champs sur les visages des personnages à la manière de la série 24, par contre ça passe beaucoup moins bien quand c'est pour donner un pseudo dynamisme aux poursuites en voitures à la manière d'un Michael Bay. Reste que l'alternance des scènes d'action avec les moments plus posés est bien gérée et l'adrénaline ressort à l'écran lors des scènes d'actions. Les courses poursuites que ce soit à pied ou en voiture sont assez jouissives et voir Gun-nam se faire courser par des dizaines de gangsters armés de couteaux et autres armes blanches rappellent bien évidemment la scène équivalente avec Michael Wong dans Beast Cops. Sorti de ça, la photographie est magnifique et met bien en avant le côté misérable de la ville de Yuji avec ses immeubles délabrés et son marché aux chiens, tout comme l'aspect crasseux des cales du bateau ou de l'hôtel d'appoint de Seoul. Le scénario est bien pensé, même si dans la dernière partie, le rythme est quelque peu mal géré contrairement au reste du film. Hong-jin Na se disperse trop et peine à terminer son film. La conclusion cependant reste très réussie et je ne peux que conseiller à ceux qui ont l'habitude de quitter la salle ou d'éteindre le lecteur DVD/Blu Ray à l'apparition du générique de fin, d'être un minimum patient.
The Yellow Sea est donc un polar très plaisant malgré ses petits défauts de réalisation et de rythme dans sa dernière partie, le film mérite définitivement le déplacement en salle. Le renouveau du polar Coréen semble avoir puisé dans ce qui a fait le succès des polars Hong Kongais de la grande époque, des films noirs et nihilistes à la violence exacerbés en y rajoutant une photographie léchée ainsi qu'un scénario béton et on ne va pas sans plaindre. Attention cependant à ne pas tomber dans le piège de la répétition sous peine d'installer une lassitude chez le spectateur et de tuer le genre.