Poison Girl
Bon allez, pas d’introduction bien tournée pour cette fois, pour éviter toute confusion et parce qu’on colle des procès d’intention au film pas tout à fait pertinents, je vais commencer par quelques...
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le 8 juin 2016
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J’ai été pris.
Je lis les avis et critiques autour de moi, et je fronce les sourcils. Chers confrères, je pense qu’on passe complètement à côté du film si on s’amuse à le lire par l’angle des « thématiques » ou autre cochonnerie du genre. On passe d’ailleurs à côté de la plupart des films, par cet angle. Ne faut-il pas avoir l’esprit dangereusement coincé sur des rails pour vouloir – et réussir – à dégager une morale nette, un « message », de the Neon Demon ?
Vouloir absolument extraire un propos rationnel de cette œuvre, vouloir chercher des « thématiques », c’est forcément partir sur la route de la critique de la mode, de la société du spectacle. S’engager dans ce tunnel, c’est au bout réduire les personnages à des victimes, c’est leur nier leur puissance, c’est fricoter soi-même avec une misogynie paternaliste dont on a désespérément voulu voir ici un tableau réprobateur.
« He seemed fine to me », répond Jesse à Ruby quand celle-ci lui déconseille de rester seule avec le photographe. Et c’est pas une phrase naïve d’adolescente sous emprise qui comprend rien à la vie. Au contraire, elle comprend très bien son pouvoir, elle comprend très bien le flow de ce moment qu’elle vient de passer avec ce photographe. Et les affects qui poussent Ruby à mettre Jesse en garde sont tout sauf de la bienveillance sincère.
Souvenez-vous des réactions de Bronson – soit amusées, soit désabusées, soit violentes – à chaque fois qu’un petit malin essaie de trouver du sens à ce qu’il fait, à chaque fois qu’on essaie de lui prêter un propos, à chaque fois qu’on souille la pureté de sa puissance esthétique par de la parole rationnelle, politique, « thématique ». Souvenez-vous de ce qui arrive au peintre.
Le mannequinat n’est-il pas, dans The Neon Demon, qu’un cadre esthétique qu’on pousse et épuise ? Un prétexte à explorer le Corps et le Mojo, à faire danser une valse gravité zéro à l’Horreur et au Beau ? Ne nage-t-on pas dans la sphère d’énergie instable produite par la confrontation entre la vie et la mort, sans plus distinguer l’une de l’autre ?
The Neon Demon s’écrit et se tisse sur une question : que signifie être le soleil au milieu de l’hiver ? Et ce tissage est esthétique, pas discursif.
La séquence de la douche des deux mannequins ensanglantées, la maquilleuse Bathory dans le bain, avoir repoussé la nudité dans le film jusqu’à ce point culminant de l’horreur, l’alternance entre les plans, le rythme dingue entre les panos/travelings au ralenti et Are we having a party de Martinez, toute la sophistication technique que je suis censé détester au cinéma et qui me dévore de l’intérieur entre les mains de Refn… Non, on s’en fout ? Trop « esthétisant », ça peut pas être une grande œuvre ? C’est juste un clip, c’est pas du cinéma ? Le réel c’est des plans fixes sans color grading sur des gens qui mangent des nouilles juste sous la prise de son, en lumière naturelle ou face à trois fill lights 5600K ?
Ayez le réflexe de prendre ce que vous regardez au sérieux, et de prendre les projets pour ce qu’ils sont. Quand tu vois bien que t’es en train d’essayer de mettre des carrés dans des ronds, change de grille de lecture.
L’atmosphère techno-cauchemardesque de Cliff Martinez et Julian Winding, le baroque glacial de la lumière, le montage au ralenti, le rythme, ça marche. Des fois, une œuvre, elle marche, en tant qu’elle marche, c’est tout.
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Créée
le 30 mai 2024
Modifiée
le 7 juin 2024
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