Poison Girl
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Nicolas Winding Refn sera passé de réalisateur underground danois, à roi du film pop indé pour finir aujourd'hui réduit à une marque, à quelques initiales qu'il appose sur les premiers cartons de son film et nous impose en pleine face. NWR, comme il aime maintenant s'appeler, n'est presque plus un cinéaste, mais une simple marque, créatrice de produit au design unique et reconnaissable.
Ce design, cette patte, c'est celle évidente des jeux de couleurs et de lumières (et quoi de mieux que les plateaux de shooting de mode, des défilés et des motels pour représenter ce feu d'artifice néon ?), cette frigidité picturale qui fait de chaque plan un travail d'orfèvre, aux cadres, à l'équilibre fragile, toujours recherchés. C'est aussi une bande-son bruyante et permanente, celle électro-pop aux nappes hypnotiques de Cliff Martinez qui ici en fait des caisses, quitte à vite nous prendre la tête, là où celle de Drive, toute en pudeur et discrétion, était très réussie.
NWR c'est maintenant aussi un message, sociétal, presque politique ; critique d'un milieu anthropophage (et le réalisateur aura le soin, dans sa finesse exemplaire, de rendre la métaphore concrète : on se mange entre nous, on baise avec des morts, on se douche dans du sang...) qui recherche la perfection esthétique, de la pureté même.
Comme une incarnation contemporaine de la vierge Marie, Elle Fanning est cet ange candide à la voix douce et aux allures gracieuses, pure de toute sexualité, pure de toute connaissance du système et du milieu. La vraie réussite de ce film c'est elle, ce personnage tout autant que cette actrice, que NWR protège d'un écrin solide. Elle est le bijou du film, qui s'animalise lors de troublantes séances photo et s'infantilise lors de douces scènes de rendez-vous romantiques avec l'excellent Karl Glusman dont on craignait, après Love, qu'il se cantonne aux rôles provocateurs, et qui révèle ici sa douce jeunesse, sa franche sympathie - il est le seul personnage dont on ne doute pas des ambitions -.
Nimbé dans les couleurs de L.A., la chaleur des journées et des nuits californienne, The Neon Demon peut avoir un caractère profondément envoûtant, tant il est stylistiquement abouti : les longs travellings hypnotisants, l'admirable travail sonore, composé essentiellement de silences travaillés, nous enfoncent petit à petit dans un univers trouble.
Mais c'est sans oublier le vide abyssal du scénario, qui oscille entre satire sociale, horreur et expérimental, dénonciation ridiculement poussive du système de la mode, peuplé de personnages inutiles et grossiers (le rôle lunaire de Keanu Reeves, dont on se demande l'intérêt de sa présence), et rempli pendant près de deux longues heures de scènes absconses et ridicules qui, à défaut de choquer (la scène de nécrophilie désamorcée totalement par son arrivée totalement téléphonée et son explicitation maladroite), font soupirer d'ennui et, parfois, pouffer de rire.
Si bien que The Neon Demon, et semblerait-il son auteur, pâle parodie narcissique de ce qu'il était, peuvent se résumer à de vulgaires baudruches arty, lumineuses et puissantes en surface, vides et puantes à l'intérieur.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films avec Keanu Reeves, Journal de bord cinéphile de l'année 2016, Les meilleurs films de 2016, Cannes 2016 : mes envies et Cannes 2016 : les films
Créée
le 28 août 2016
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