3 ans après Only God Forgives qui avait relativement partagé les avis et les critiques, Nicolas Winding Refn revient nous hanter avec son nouveau monstre cinématographique, The Neon Demon.


Je voulais écrire cette critique le soir-même après la projection du film, mais ceci était impossible. Je me trouvais dans l’obligation de prendre un recul, une réflexion plus poussée face à ce qui m’avait été montrée.
Une nuit de cogitation plus tard, le verdict est tombé : The Neon Demon est un chef d’œuvre. Même si, personnellement, je le placerais en-dessous de Drive et Only God Forgives, ce film s’inscrit parfaitement dans la filmographie de notre réalisateur danois.


Certains oseront dire que notre ami semble se répéter et tourner en rond actuellement de par sa mise en scène et le choix des sujets, ce qui est, en premier lieu, une aberration en soi de parler de répétition au niveau d’une mise en scène, car c’est ainsi qu’on reconnaît la patte artistique d’un réalisateur. Et cette affirmation n’est en aucun cas vraie. Si dans Drive, il était question de représenter un braquage minimaliste, et dans Only God Forgives, toute l’idée de castration, de recherche de soi et de Dieu, de l’apparence soudaine de violence et de sentiment d’impuissance sur le contrôle de la situation, ici Refn aborde pour la première fois le sujet de la femme contemporaine et du monde du mannequinat, un sujet qu’il abordera de façon singulière comme vous verrez par la suite.


Visuellement somptueux, et ce dès le premier plan, nous nous trouvons face à la continuité de la recherche continue de la beauté imagière de Refn. Tantôt rappelant Only God Forgives dans ses éclairages intérieurs, ses plans abstraits et les couleurs ambiantes, tantôt référant Drive dans ses balades extérieurs en pleine journée ou nocturnes, chaque plan apparaît comme une boulimie visuelle pour la rétine. Nous n’avons pas le temps de nous remettre de la dernière image que nous devons enchaîner avec le reste du film.


Le traitement du son fait partie aussi de cet amour que je porte au film. Une fois de plus, le duo Cliff Martinez / Refn fonctionne à la perfection, et semble pousser plus loin la recherche musicale dans chaque scène. C’est une jouissance auditive à chaque instant.
Certaines séquences, comme le spectacle dans la boîte de nuit ou le défilé, représentent une pure expérience cinématographique, telle l’alliance entre l’image et son apparaît comme ayant été écrite sur la même partition.


Tout le film est monstrueux. Tous les personnages sont des monstres. Les hommes apparaissent comme des voyeurs pervers vicelards, voire pédophiles (merci Keanu Reeves), et les femmes, principalement les mannequins, comme des robots, des machines, les yeux écarquillés et faisant toujours les mêmes actions. Enormément de plans les présentent comme des visages ou des bustes sur fond noir, des êtres sortis des ténèbres. Un en particulier, le personnage de Keanu Reeves, apparaît comme une ombre entière derrière la porte grillagée, comme une sorte de mal incarnée. Elle Fanning, contrairement aux autres, est la seule à apparaître une fois sur un fond blanc total, marquant son opposition totale par rapport à ses motivations de base et ce qu’elle représente. Elle est montrée comme la possibilité d’un apport émotionnel dans le film, comme le seul personnage encore humanisé, jusqu’à son changement qui la condamne.


L’œuvre fait d’ailleurs énormément référence aux monstres classiques de l’Universal Studio : que ce soit le loup-garou (avec l’histoire de pleine Lune et de transformation des personnages en bêtes), le vampire (tout le jeu sur les reflets, les miroirs, ainsi que l’envie des autres femmes à vouloir s’accaparer du sang d’Elle Fanning) ou même la fiancée de Frankenstein (le styliste est représenté comme le scientifique fou, Elle Fanning comme la créature nécessitant d’être façonnée, avec le défilé apparaissant comme l’équivalent de la naissance de la monstruosité), elle se revendique comme un représentation d’une monde de la beauté et du mannequinat comme une déshumanisation complète de celui-ci, à ambiance angoissante et tortueuse, le tout saupoudré de paillettes, de maquillages et de relations poussées à l’hypocrisie la plus extrême.
Il en est de même pour l'image du zombie. Le film, après tout, s'ouvre sur la vision d'un "cadavre" sur un sofa qui, quelques instants plus tard, renaîtra d'entre les morts. [ATTENTION SPOILER] Cette image est d'autant plus appuyée par la séquence d'anthropophagie vers la fin du film quand les 3 filles, jalouses de la beauté d'Elle, décident de la tuer et se délecter de son corps en tant que dîner (qu'une régurgitera rapidement par dégoût). l'image du zombie dans le cinéma américain a toujours été le reflet de notre propre personne, du spectateur, où dedans, le plus dangereux n'est pas cet être réapparaissant d'entre les morts, mais l'être humain lui-même, référant donc à cette phrase qu'Elle Fanning adresse à une de ses futurs tueuses et consommatrices : "You know how my mum used to call me ? Dangerous." Cependant ici, l'image du zombie semble être inversé. Même si l'être humain se dit dangereux, tout ceci n'est qu'une image qu'il essaye de façonner. C'est lui qui est représenté comme le plus civilisé d'entre eux et représentant une menace moindre pour les autres humains, mais pas pour les "morts vivants". Ainsi Elle Fanning pouvait apparaître comme un aboutissement de la notion d'être humain, d'humanisation, de ressenti d'émotions et de sentiments, détruit par "nous", par cette masse que nous représentons, assis dans nos fauteuils, toujours en tant que spectateur.


Malgré une fin assez abrupte, mais qui se révèle par la suite beaucoup plus intelligente qu’elle n’y paraît (consistant principalement à une sorte de moquerie granguignolesque de ce que représente le mannequinat aujourd’hui ou même des publicités de parfum ou de mode à la télévision, la place de la femme et le fait qu’elle ne soit plus qu’un objet à regarder, une sorte d’outil à fantasme), The Neon Demon remplit parfaitement son contrat de traiter la plastique de l’être humain avec effroi, une puissance démoniaque inexplicable qui plane en permanence dans l’œuvre. Notons également les références historiques, surtout à celle de la comtesse sanglante, Elisabeth Bathory, qui utilisait le sang des jeunes filles afin de garder une beauté et une jeunesse éternelle.


Notre apparence n’est qu’un mensonge par rapport à qui nous sommes. Notre reflet est l'incarnation même de ce faux.

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le 23 mai 2016

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The80sGuy

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