Vous entendrez souvent parler de la violence, presque insoutenable, de ce film. Elle est bien là et tout est fait pour qu'on la reçoive de la façon la plus directe possible. Dans un 4/3 qui empêche de détourner le regard et de s'émerveiller sur les paysages de Tasmanie, c'est bien l'horreur de cette colonisation australienne qui est montrée dans ce film par une Jennifer Kent très concentrée sur sa démarche mémorielle et investie d'une mission.


Une mission, c'est aussi ce que ressent le personnage de Clare après la destruction de sa famille par ses geôliers militaires qu'elle choisit de traquer à travers une forêt indomptée dans laquelle ses violeurs se sont engouffrés en quête de reconnaissance hiérarchique. A la croisée des haines et des luttes, elle verra ses intentions de vengeance à la fois renforcées et questionnées par sa rencontre avec Billy, son guide autochtone. C'est entre cette femme irlandaise violée et déportée et l'aborigène déraciné et qui voit le génocide se perpétrer sous ses yeux que se joue réellement le cœur de cette quête.


L'incroyable et terrifiante beauté de cette forêt de Tasmanie, étouffante, sombre et gargantuesque, est à la fois omniprésente et en même temps jamais magnifiée ni contemplée, tant les personnages n'en ont pas le loisir. Dans un rythme lent qui nous fait ressentir la difficulté de survivre dans cet environnement, presque physiquement, la course-poursuite qui s'engage s'inscrit quelque part entre le mystique et la sale réalité.


Aisling Franciosi est une révélation, incarnant à la fois la détermination, la peur et la haine de son personnage avec une intensité extraordinaire, et que l'on imagine très éprouvante. Plus détaché et comme traversé tour à tour par la résignation et un désir de justice Baykali Ganambarr est tout aussi remarquable. Pour compléter un trio d’interprètes de très haut niveau, il y a aussi un des antagonistes les plus sadiques et détestables vu depuis quelques années dans un film, incarné par le surprenant Sam Claflin.


Ces trois personnages, complexes et jamais linéaires, font que, non, The Nightingale n'est pas uniquement un rape and revenge. De cette détestation de ces soldats britanniques violeurs et meurtriers part un constat glacial et presque impuissant sur cette colonisation à la cruauté hallucinante et par extension un regard horrifié et lucide sur ce pays qui s'est fondé sur le crime.

Mafelele
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le 23 avr. 2021

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Antoine Maf

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