En Australie, au XIXe siècle synonyme de la colonisation britannique, une jeune femme va traverser la Tasmanie en compagnie d'un boy afin de pourchasser ceux qui ont tué son mari et son bébé.
Après un Babadook que j'ai vu mais qui ne m'a laissé aucun souvenir, c'est dire que je regardais le second film de Jennifer Kent sans trop savoir ce qu'il en est. Et là, je sais que je m'en souviendrais de par la puissance des images, la force de l'interprétation, et l'histoire qui dévie du rape and revenge auquel on pourrait s'attendre. Dans un format carré de toute beauté, la réalisatrice filme les contrées les plus éloignées de l'Australie, avec ces arbres qui s'élèvent à perte de vue, et qui représentent quelque part l'espèce de confusion mentale où s'enfonce peu à peu cette femme, jouée par l'excellente Aisling Franciosi. De par sa rage, son expressivité même quand elle ne dit, mais en même temps ses larmes de mère et de femme enfouies par la colère, elle va en perdre l'appétit, le sommeil et devenir une chasseuse à la quête de ses proies, des soldats tout ce qu'il y a de plus abject.
Au départ, il faut dire que la première demi-heure nécessite de s'accrocher, avec ces mecs caricaturaux, puis la violence et la mort vont arriver avec une scène insoutenable, la mort du bébé, mais tout le film est un plus subtil que ça. Ça n'est pas Charles Bronson avec des jupons, mais c'est aussi la colère de l'Australie profonde qui s'exprime aussi avec le personnage du boy, remarquablement joué par Baykali Ganambarr, qui a son caractère, qui n'est pas un simple guide pour la jeune femme, mais qui revendique peu à peu sa culture aborigène, et qui se veut être un rossignol, d'où le titre anglais. D'ailleurs, s'il y a très peu de musique, on entend plusieurs acteurs chanter, aussi bien ce qu'ils ressentent que ce qu'ils vivent, c'est au départ perturbant, mais ça ajoute aussi à l'étrangeté des lieux, cette Tasmanie sauvage où la perte de soi a l'air nécessaire.
Je ne dirais pas que le film est facile ou accessible, il a une certaine rigueur sur le fond et la forme, ainsi qu'une durée un peu excessive (plus de 2h15), mais qui se mérite. Et si on marche (c'est le cas de le dire) avec ces personnages, on a un voyage très fort, qui marquera les esprits.