Une insoutenable, mais puissante plongée au cœur du système colonial britannique en Tasmanie, un film terrible, aux accents visuels de tragédie Herzogienne. Une héroïne irlandaise badass en quête de vengeance, du sang, de l'amour, et une amitié qui se construit autour d'un ennemi commun.
Au moment de revoir ma liste de films vu cette année pour écrire une belle critique, il n’y a que The Nightingale qui s’est imposé à moi. L'œuvre de Jennifer Kent n’est pas parfaite, mais elle est particulièrement marquante. C’est froid, violent et dur, mais c’est une plongée dans ce que le cinéma peut faire de plus touchant, de plus viscéral. Le Rape And Revenge c’est un genre de film, codifié mais brutal, qui joue sur des émotions simples, mais redoutablement efficaces et qui, je le crois, transforme un peu le rapport au cinéma en questionnant l’empathie et les valeurs morales de tout à chacun.
On suit le personnage de Clare, irlandaise retenue captive et déportée en Tasmanie au début de la colonisation de cette zone géographique au sud de l'Australie. Alors esclave, elle se marie avec Aidan, forgeron, auquel elle donnera un fils. Lors de la tournée d’inspection d’un général anglais, ce conjoint cherchera à obtenir, auprès d’un lieutenant, la liberté pour sa femme. Evidemment, celui-ci refuse pour garder Clare a sa disposition.Ils se battent, le général arrive, le lieutenant ne sera pas promu. Il décide de se venger. TW : Hyper violence
Clare est sans cesse violée par le militaire. dans cette expédition punitive, il réitère, mais devant son mari, ensuite il le tue. Il fait ensuite exécuter le bébé qui crie pendant en demandant à son subalterne de l’exploser contre un mur.
La scène de la vengeance du soldat, suffit à elle seule à détruire le personnage principal, elle met le spectateur face au film de force, et pose les premiers enjeux. Clare laissé pour morte, veut, elle aussi se venger. C’est fort et très réussi.
La poursuite, elle aussi, charrie son lot de violence, le lieutenant et sa troupe multiplient les exactions lors de leur voyage au nord du pays pour obtenir une promotion. Pas d’inventaire à la Prévert de tout ce qu’il se passe, Juste le rappel historique que ce sont des soldats britanniques de la fin du 19ème siècle, ils colonisent, violemment, un territoire indigène. A ce titre, ils violent, tuent et pillent, tout ce qu’ils trouvent en chemin, détruisant vie, et tribus.
Jennifer Kent fait le choix de le montrer au public, par exemple, ils capturent une indigène, avant de la violer a tour de rôle et de la tuer c'est insoutenable, mais vraisemblable.
Voilà pour le pitch, les images sont dures, mais elles sonnent vraies et donnent une force narrative au film. Clare est face à l’horreur de la colonisation, à son statut de femme esclave. Elle entreprend une chasse à l'homme qui nous mènera dans les profondeurs du bush tasmanien que les britanniques cherchent à contrôler et à détruire.
Elle rencontre le personnage de Billy interprété par Baykali Ganambarr, qui lui servira de guide autochtone. Imbibée par le racisme ambiant et sa situation affreuse, leur relation commence très mal, elle évoluera tout au long du film pour devenir l'un des points forts de l'histoire. De la haine mutuelle d’une esclave blanche envers les indigènes et d’un esclave noir colonisé, vers la même détestation de l’ennemi commun, le colon britannique haïssant autant l’Irlandaise que les indigènes tasmaniens, jusqu’a une amitié dans la revanche et la vengeance. Tout cela est parfaitement amené, porté par un excellent cast, et rempli de moments particulièrement émouvants pour nos deux personnages.
L'image est étouffante, assez désaturée, un format 4/3, un environnement tropical, y'a une vrai vibe visuelle qui m'a beaucoup fait penser a Aguirre et la colère de dieu. Elle participe grandement à cette ambiance dure, humide et sanglante, mais elle fonctionne et souligne le propos et la narration du film. Il en va de même pour l'absence de BO extra diégétique, les rares musiques ont un sens et sont interprétées par les personnages.
- Clare, la violence des Anglais
Je vous recommande de regarder The Nightingale, parce que c’est réussi. C’est une plongée dans des sentiments profonds, la narration est forte, le propos sur la colonisation est cohérent et correspond à une réalité historique, vous verrez ce que c’est un colon blanc du 19ème siècle.
Peut être aurez vous envie de vomir, peut être souffrirez vous de tout ça, mais vous passerez un moment suspendu aux personnages, vous apprécierez leurs vengeances, les questionnements qu’ils soulèvent, et leur aventure humaine au sein de cet environnement particulièrement hostile et repoussant.
Pour moi, c’était un peu trop dur, parfois un peu trop manichéen, parfois un peu cousu de fil blanc, mais suffisamment bon, pour marquer, a jamais ma culture ciné, et peut être mon regard de mec blanc sur la colonisation.