Le prince Amleth assiste à l’assassinat sauvage de son père, le roi slave Horwendil, alors qu’il n’est qu’un enfant. Devenu adulte, il est décidé à retrouver l’auteur de ce massacre, qui n’est autre que son oncle, Fjölnir, dans l’unique but de le tuer. Mais la réalité diverge hélas de ce que virent ses yeux d’enfant…


Notre histoire débute au crépuscule du IXème siècle, dans les eaux glacées scandinaves, là où l’atmosphère est baignée d’un bleu polaire, et d’un brouillard persistant. Un trio de drakkars accoste, nous entrons dans un village, enveloppés par une bande sonore en dolby atmos, qui retranscrit le moindre effet sonore en profondeur et avec une parfaite exactitude, laissant entrevoir une estimation du nombre de sursauts que l’on pourra avoir au cours du film.


VÉRITÉ HISTORIQUE…


Robert Eggers est un historien passionné, son cinéma en fait sa marque de fabrique depuis son premier film, THE WITCH (2015), invoquant la chasse aux sorcières au XVIIème siècle. Dans son attrait pour le passé et l’ésotérisme, toutefois, il sait insuffler une certaine forme de modernisme, adoptant l'œil perçant de la nuance. Il y a l’Histoire, sur laquelle est basée le scénario, et puis il y a le point de vue du cinéaste d’aujourd’hui. Fuyant tout ce qui se rapprocherait d’un manichéisme convenu, le réalisateur fait volontiers cohabiter la barbarie du Xème siècle, ne lésinant pas sur la violence, avec la célébration d’une mythologie nordique foisonnante, empreinte d’une beauté mystique. Le folklore se mêle à la bataille lors de séquences enchanteresses, rythmées par la parole d’oracles qui se meuvent dans l’obscurité telles des créatures mi-humaines. La chanteuse Björk y fait ainsi une apparition théâtrale, en plus d’avoir apporté sa collaboration à la bande originale d’inspiration traditionnelle, composée par Robin Carolan et Sebastian Gainsborough, avec usage de cornemuses n’étant pas sans rappeler la musique tribale du concertiste contemporain danois Danheim.

Il serait bon de rappeler que Shakespeare n’a pas inventé le personnage et l’histoire d’Hamlet, puisqu’il s’agit initialement d’une légende médiévale scandinave. Robert Eggers reprend ici ce mythe en restant fidèle à son origine. Pour plus de 70 millions de dollars, le film s’annonce comme étant au plus proche de la vérité historique, et ce jusque dans les moindres détails. Du choix des costumes et du bois des boucliers à la reconstruction entière d’un village islandais grandeur nature, les techniciens ayant œuvré à la préparation du tournage sont unanimes : THE NORTHMAN sera le meilleur film jamais réalisé sur l’ère viking.


… ET BROUILLARD MYSTIQUE.


Le pare-feu à toute cette masculinité révoltante des vikings, assoiffée de sang et de domination, se révèle au travers du personnage évanescent d’Olga de la Forêt des Bouleaux, que joue la muse de Robert Eggers, Anya Taylor-Joy. Par sa ruse et sa résistance profonde, elle accompagne Amleth dans sa quête de vengeance, y apportant mesure et malice. En bon guerrier, il sait pertinemment qu’il ne lui sera pas possible d’être reçu au Valhöll, ou Valhalla, le paradis viking, à moins d’avoir courageusement combattu.


Sous une brume épaisse du traitement de l’image et de son cadrage millimétré s’imposant sur le reste, il y a une part de sensibilité qui tente de paraître, de temps à autre. Nous sommes loin du naturalisme de THE WITCH, mais Eggers tente de s’accrocher aux mêmes questionnements des croyances chez l’Homme, et de leur puissance. Or, pour THE NORTHMAN, il avoue avoir eu ce désir de chorégraphier un spectacle sanglant avant tout. En terme de spectacle, THE NORTHMAN est grandiose, et révèle une maîtrise indubitable de la mise en scène. Le film évolue à la manière d’un jeu vidéo, faisant même écho à Hellblade : Senua’s Sacrifice (2017), également basé sur l’univers viking. Tout y est. L’atmosphère oppressante entourant le héros qui nous précède d’un pas assuré. Ces instants hors du temps, psychédéliques, annonciateurs de la suite des évènements. La menace permanente de l’affrontement, qui marque les étapes menant au combat final. Si THE NORTHMAN embarque le spectateur dans une expérience audiovisuelle inédite que Robert Eggers peut signer sans prétention comme étant son film le plus ambitieux jusqu’à présent, il a tendance à laisser toute part d’humanité sur le bas-côté. La prestation d’Alexander Skarsgard demeure hélas à la surface des stéréotypes masculins dont la force réside dans la musculature. Au-delà d’une bestialité nécessaire à l’élaboration du personnage, était-ce trop demander de voir scintiller de temps en temps une étincelle d’humanité dans l'œil du héros, accablé par un mal qui n’est pas nommé : une profonde tristesse. “Y-a-t-il pour l'âme plus de noblesse à endurer les coups et les revers d'une injurieuse fortune, ou à s'armer contre elle pour mettre frein à une marée de douleurs ?” (Shakespeare, Hamlet).


Force est de constater que le scénario jongle habilement avec le mythe duquel il s’inspire, entre inceste et trahison. Mais peut-être ne prend-il pas suffisamment de libertés, enchaîné qui plus est à sa volonté documentaire rigoureuse, afin que le spectacle puisse émouvoir réellement.

eleonoreoldwood
6
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le 7 mai 2022

Critique lue 75 fois

eleonoreoldwood

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