C'est le NORD !

The Northman était probablement ma plus grosse attente de ce millésime 2022, ayant une très grande confiance pour le réalisateur Robert Eggers. Déjà couronné de succès pour ses 2 premières réalisations, le drame historique horrifique The Witch et l'inclassable The Lighthouse, c'est une adaptation de la saga nordique d'Amleth que le réalisateur originaire du New Hampshire nous propose pour son troisième long-métrage. Saga ayant bien évidemment inspiré Shakespeare pour son Hamlet nommé par simple anagramme.

Amleth est donc le jeune fils du seigneur nordique Aurvandil qui va faire voeu de vengeance lorsque ce dernier va se faire assassiner par son frère Fjölnir, prenant sa place en tant que souverain tout en capturant Gudrun, la femme d'Aurvandil et mère d'Amleth. C'est des années plus tard après avoir rejoint un groupe de berserkers en ancien pays slave, pillant et tuant de pauvres villageois pour en faire des esclaves qu'Amleth va de nouveau entendre parler de Fjölnir. Il décide donc de devenir lui-même un esclave pour s'approcher au plus de sa némésis et accomplir son destin, le tout étant aidé par Olga, une jeune femme slave également esclave voulant fuir sa morne vie.

Avec cette prémice, nous pouvons donc nous attendre à un film gras, violent, sale et volontairement subversif totalement à contre-courant des autres productions hollywoodiennes. J'avais peur que cette promesse nous donne un film beaucoup trop outrancier dans sa violence et sa représentation de la sexualité pour donner un résultat très stéréotypé. Pourtant, et si le film est effectivement plus violent que la moyenne, j'ai été plutôt satisfait de constater que le film ne faisait pas totalement dans la surenchère, The Northman est en effet très loin d'être un film participant à la course de quelle scène va être plus violente que l'autre, pour proposer une vision respectueuse de ces guerriers de l'époque mais dont nous pouvons toujours discuter de la véracité effectivement. Il en va de même pour sa représentation de la sexualité, Eggers ne tombe pas dans le piège initié par Game of Thrones d'en montrer le plus possible pour appater un certain type de spectateur.

De plus, toujours avec cette prémice, nous pouvons également être dubitatif concernant la portée scénaristique de The Northman et ses possibles interprétations pourtant c'est ici tout le concept d'antihéros qui est mis en oeuvre. Une idée qui fait réfléchir le spectateur sur l'antagoniste réel du film.

à l'instar de The Witch et The Lighthouse, le film a recours à de nombreuses scènes symboliques et empreintes de folklore dans un souci de réalité historique. Dans The Northman cela se traduit par de nombreuses scènes rituelles (rite de passage à l'homme adulte, sacrifice, funérailles...) toujours très intenses appuyées par une lumière chaude apportant un sentiment de claustrophobie et une musique folklorique aux percussions battantes faisant immerger immédiatement le spectateur. Dans un désir de respect de l'époque, les personnages parlent également avec des accents soit nordiques soit slaves en fonction de leur origine, ce qui est un plus en soi mais toutefois pas aussi impressionant que le vieil anglais de The Witch.

Le film se veut donc réaliste dans son ensemble bien que les scènes rituelles aient recours à quelques éléments fantastiques, cette dimension n'est pas le but du film et une scène en particulier pourrait être justement un pied de nez aux spectateurs attendant une oeuvre démesurément fantasque.

The Northman a surtout été vendu comme un film d'action, il y'a en effet quelques scènes de pure action dans ce film toujours très jouissives mais qui se révèlent être en nombre restreint ce qui est une bonne chose car cela permet au long-métrage de se concentrer sur autre chose que de l'action bête et méchante. C'est toutefois dommage que le film ait été vendu ainsi et cela me fait automatiquement penser à The Witch qui a également été très mal vendu à l'époque.

Concernant sa réalisation en elle-même, il n'est pas difficile de dire que The Northman a effectivement été réalisé par Robert Eggers tant par la technique utilisé que par les références visuelles à The Witch et The Lighthouse tout au long de celui-ci. Plans séquences ainsi que symétrie sont évidemment de la partie. J'ai envie de dire que Robert Eggers possède son style instinctivement reconnaissable qui marche complètement sur moi. Je suis d'ailleurs assez triste de constater que certain ne voient en lui que le travail d'un chef opérateur car pour moi ce ne sont pas que les images qui font de ses films de bons films mais bien une conjugaison de cette image avec le son et la performances des acteurs, une conjugaison qui prend directement le spectateur aux tripes.

D'ailleurs parlons de la performance des acteurs, Alexander Skarsgard rayonne ici et surtout étonne quand on connaît la filmographie de l'acteur plutôt habitué aux productions médiocres en tant que premier rôle, c'est un réel plaisir de le voir interpréter ce personnage désabusé et charismatique de son état. Il en est de même pour les autres acteurs qui livrent tous une performance honorable malgré une présence plutôt restreinte pour certains d'entre eux, Ethan Hawke, Willem Dafoe, Björk mais surtout Anya Taylor-Joy (Olga) qui aurait mérité un rôle bien plus important et impactant. Pour ce qui est de Nicole Kidman, je trouve sa performance plus qu'honorable et je trouve désolant le fait que l'on préfère l'attaquer sur son physique que sur sa réelle performance.

In fine The Northman est donc un troisième long-métrage un peu différent des 2 précédents de Robert Eggers tout en respetant leur héritage. C'est un film particulièrement jouissif qui ravira surtout les fans du réalisateur mais à ne pas mettre entre toutes les mains donc même s'il peut y'avoir de très bonnes surprises comme il y'en a eu quelques unes pour moi pourtant habitué.