Avec ce nouveau film Eggers passe au niveau supérieur en termes de budget et d’ambition scénaristique comme artistique, revisitant le mythe scandinave d’Amleth (et évidemment le Hamlet de Shakespeare). Cette carte blanche donnée par Hollywood, suite aux succès critiques de The Witch et de The Lighthouse mais également au succès actuel des séries et fictions sur les vikings, fait cependant un peut tourner la tête du réalisateur à mon goût, capable alors du meilleur comme du pire.

Histoire de vengeance, de violence et de destinée, l’intrigue est assez classique. La première partie suit ainsi la trahison du roi Aurvandil, l’exil du fils et sa jeunesse en tant que guerrier beserker, symbole de la fuite en avant. Ramené sur le chemin fatidique, il reviendra exécuter sa vengeance, découvrant au passage que les apparences sont trompeuses. Le film fait la part belle à la relation forte qu’entretenait les vikings avec les dieux, déesses et autres figures mythologiques. Cette omniprésence du destin vient renforcer l’inévitabilité du récit. Elle se traduit par le style mutique et contemplatif du film, infusée d’une violence aliénante et des effets hallucinatoires du chamanisme.

Eggert utilise des cadrages extrêmement larges avec des paysages islandais magnifiques, des plans-séquences nocturnes ou encore des lumières parcellaires très travaillées. Tous ces choix soulignent le lien entre homme et nature mais souvent un homme petit, perdu dans l’espace ou le temps, confronté à un destin qui le dépasse. D’un point de vue technique, on sent clairement les possibilités offertes par un plus grand budget, mais le film nous offre un peu des montagnes russes entre des éléments très beaux et réfléchis et d’autres visuellement bâclés et criards. Outre les paysages, il y a le soin apporté aux décors matériels et aux costumes (Bjrk est magnifique), mais il est contrebalancé par des choix artistiques clinquants et tape-à-l’œil, que ce soit la Walkyrie ou l’Arbre de vie, voire des scènes grotesques, comme le « réassemblage » des soldats ou le duel dans le volcan.

Son film s’essouffle clairement, et cette approche lente et mesurée, qui apportait une distanciation en 1ère partie, devient lourde dans la 2nde. Ainsi, en Islande, le film avance laborieusement et érode le plaisir du spectateur. En tout cas, le mien. Plus le film avance, plus les effets deviennent grandiloquents et boursouflés de par leur accumulation. The Northman ne fait pas dans la nuance, et je lui reproche également sa représentation très frontale et gratuite de la violence. Même si Amleth est instrument de violence et que cette dernière a façonné sa vie, ça en devient juste grotesque et usant, sans valeur ajoutée pour le récit ou ses enjeux.

Au final, je suis déçue par le film. Je savais qu’il serait plus un drame contemplatif que de l’action, mais il est trop prétentieux. Si j’ai fortement apprécié l’approche mystique, le film accumule aussi bien des longueurs scénaristiques que des maladresses formelles et visuelles. Paradoxalement, là où j’imagine qu'Eggers souhaitait convoquer toute la puissance du folkore vikings et la grandeur des sagas, sa représentation plus que cocasse et théâtrale rende son héros complètement anecdotique. Après tout le destin d’Amleth n’est en rien une question d’honneur, de gloire et de justice, c’est sa descendance qui compterait.

AlicePerron1
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le 6 juin 2022

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Alice Perron

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