Ken Loach et son scénariste Paul Laverty on été abondamment critiqués ces dernières années pour ce que les cinéphiles jugeaient comme un manque de subtilité dans leurs démonstrations politiques, et pour leur propension à utiliser les ressorts de la fiction populaire pour créer des situations à fort contenu émotionnel. Ce n'était évidemment pas faux, même s'il m'a toujours semblé également logique que Loach et Laverty, qui ont un message fort à faire passer, ne se cantonnent pas à une posture auteuriste, mais aient pour cible un grand public plus facilement convaincu par des drames aux enjeux et aux rebondissements clairs, susceptibles d'être plus consensuels. Mais, devant the Old Oak, un film beaucoup plus austère que ses prédécesseurs, on a le sentiment que Loach a été sensible à ces critiques, et est revenu d'une certaine manière au cinéma plus rude de ses débuts.
The Old Oak raconte l'arrivée (il y a quelques années, déjà) dans un ex-village minier dévasté depuis plusieurs décennies par la fermeture des puits, de réfugiés syriens chassés par la guerre. La question qui traverse le film est celle, simple mais essentielle, de la réponse du prolétariat plongé dans la misère à une cohabitation forcée avec des populations étrangères encore plus démunies. Au centre du dilemme se trouve le propriétaire du seul pub local encore ouvert, dont la clientèle est constituée avant tout de nationalistes primaires, et qui est quant à lui nostalgique d'une époque où les luttes sociales intenses soudaient la communauté.
Le choix - qui ne nous surprendra pas - de Laverty et Loach est celui de la convergence des luttes contre une société inique : cette convergence est finalement représentée à l'image dans les derniers plans du film, ceux d'un défilé où une union s'est faite entre les opprimés. Mais pour en arriver là, the Old Oak ne joue pas cette fois les cartes habituelles du cinéma militant "à gros sabots", et choisit un chemin - certes parsemé de quelques événements dramatiques et de plusieurs confrontations - sans dramatisation excessive, ni grands sentiments.
Du coup the Old Oak frustrera ceux qui - comme nous d'ailleurs- aimaient les larmes et l'indignation que faisait naître habituellement le cinéma de Loach. Mais, finalement, qu'on aime ou pas ce minimalisme narratif, il sera difficile de ne pas comprendre et de ne pas adhérer au message le plus fort du film : une communauté existe quand on y partage de la nourriture. Cela semble peu, mais c'est finalement essentiel. Et c'est d'ailleurs l'une des choses que nous avons peu à peu perdues dans notre société moderne.
[Critique écrite en 2023]