Le Japon post-2nde guerre mondiale du point de vue du monde, post-Hiroshima-Nagasaki du point de vue du soleil levant : c'est la période dans laquelle le danois Martin Zandvliet nous emmène pour sa troisième réalisation, première sous les couleurs de l'ogre Netflix. Une période riche et propice à exacerber encore un peu plus la distance entre deux cultures à un instant où elles sortent d'un rapport de force dévastateur. Ajoutez à cela le monde aussi fascinant visuellement que par ses codes du crime organisé japonais et autant vous dire qu'avec Jared Leto en tête d'affiche, The outsider avait de quoi nourrir de grandes espérances chez moi.
Cet univers, je l'avais découvert en 2000, lors de ma lune de miel avec Takeshi Kitano au travers d'Aniki, Mon frère, étrier idéal pour mettre le pied dans ce monde très fermé et ritualisé où l'honneur ne semble avoir d'égal que la violence et la maltraitance des corps. Alors que le personnage incarné par Beat Takeshi émigrait à Los Angeles avec quelques uns de ces fidèles pour se confronter à la criminalité locale, le postulat de départ est ici inversé.
L'intrigue de The outsider prend position dans une prison aux abords d'Osaka où Nick Lowell, un américain, côtoie les membres incarcérés des mafias locales. Un point de départ pour cet homme déraciné qui, une fois libéré, se joindra à l'une de ces "familles" pour petit à petit s'y fondre.
Derrière le regard pénétrant et assuré, le visage blafard et creusé de Jared Leto, encore une fois impeccable, on assistera donc à l'intégration progressive bien qu'un peu rapide de cet homme énigmatique. Le parti-pris de s'affranchir du passé est intéressant dans cet environnement où plus rien d'autre que l'honneur du clan ne compte. Martin Zandvliet filme des hommes sans attaches extérieures, ce qui, couplé à la superbe photographie, à la lumière et aux décors étroits, rajoute à l'immersion. Je ne regretterais que cette scène inutile où Emile Hirsch pointe le bout de son nez pour nous convaincre de quelque chose que l'on savait déjà.
Côté scénario, si les enjeux sont évidents, encore une fois, j'ai trouvé que le ton du film et l'ensemble du casting comblaient amplement le manque de singularité, qu'il s'agisse de la relation entre Nick et Kiyoshi ou des autres qui naîtront autour de cette amitié.
Avoir une certaine fascination pour le sujet aide néanmoins fortement dans l'appréciation globale et certaines scènes propres à l'univers des yakuzas font mouches.
Bref, la plastique de ce film de gangsters est son meilleur atout. Si l'histoire, assez classique, ne nous surprendra pas et qu'on aurait aimer plonger encore un peu plus dans cette époque propice à l'expansion de la pègre nippone, on pourra compter sur le talentueux casting et sur des formidables gueules pour nous faire passer un bon moment. Il ne m'en fallait pas beaucoup plus pour rester hypnotisé de bout en bout. Honneur, fidélité, abnégation et violence font décidément bon ménage.