Les Monstres !
Bon, bon, bon, bon... The Palace de Roman Polanski. Il a été défoncé puissance 10000 par la critique, après sa projection hors compétition, en avant-première lors de la Mostra de Venise. Est-ce dû au...
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le 1 avr. 2024
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Bon, bon, bon, bon... The Palace de Roman Polanski. Il a été défoncé puissance 10000 par la critique, après sa projection hors compétition, en avant-première lors de la Mostra de Venise.
Est-ce dû au fait que le film est réellement une grosse purge, mise en scène par un réalisateur, qui s'approchait, à ce moment-là, du statut de nonagénaire, et serait devenu subitement sénile, comme le paysage critique d'aujourd'hui voudrait le laisser croire, comme pour se distancer définitivement de lui ?
Alors pour la sénilité, j'ai de sérieux doutes. En effet, il n'y a pas si longtemps est sorti J'accuse, avec une mise en scène certes un peu trop lisse et académique dans sa reconstitution, avec une Emmanuelle Seigner comme toujours à chier, en plus d'avoir un personnage inutile, mais bénéficiant d'une écriture solide. Pourtant, avant cette modeste réussite, il y a eu les purgesques D'après une histoire vraie et Lunes de fiel (avec une Emmanuelle Seigner, comme toujours à chier !). Et même, alors que le cinéaste vivait, ce qui est pour moi, sa période du sommet (les années 1960 et les années 1970 !), il y a eu Quoi ?. Oui, quelques années après un chef-d'œuvre comme Rosemary's Baby et juste avant la pépite Chinatown, il y a eu l'étronesque Quoi ?, machin totalement décousu, sans consistance, laid et kitsch visuellement, dont le seul but était de choquer le bourgeois de l'époque et de se rincer l'œil en montrant un maximum de fois l'actrice principale, Sydne Rome, à poil.
The Palace est décousu, est atrocement laid visuellement (le numérique et son grain lisse à outrance servent parfaitement cet objectif, parvenant même à donner un côté faux à des véritables extérieurs !). Oui, Polanski reprend en toute connaissance de cause les défauts de son œuvre réalisée un demi-siècle plus tôt. Vous en doutez ? Pourquoi fait-il alors apparaître une Sydne Rome, horriblement défigurée (pour être juste avec cette dernière, la comédienne a vu son visage détruit lors d'un grave accident de voiture ; pour ce cas précis, ce n'est pas une overdose de chirurgie esthétique, plus le combat acharné, perdu d'avance, contre la vieillesse, à être les principaux responsables des dégâts, pour bien d'autres, par contre, si !), si ce n'est pas pour faire comprendre cela ?
Le film enchaîne les monstres de foire, certains ayant sérieusement abusé du bistouri et des UV, la plupart, vieux et moches, dans l'espace d'un palace suisse, les heures précédant le passage à l'an 2000. Oui, vous savez, pour celles et ceux qui l'ont vécu, la période lors de laquelle on parlait de bug numérique, alors que le véritable gros et ultra-ultra-persistant bug à venir était plutôt en chair et en os, situé à Moscou (ce que ne manque pas de mettre en valeur le récit, avec des extraits pertinemment choisis pour ce qui est de l'ironie !). Toute cette galerie de portraits est sale, vulgaire, abrutie, trash, inconséquente. Point positif à relever par rapport à la nullité palmée de Ruben Östlund (à laquelle il n'est pas difficile de penser thématiquement !), Triangle of Sadness, The Palace se moque, lui, de ses nombreux protagonistes, car ce qu'ils subissent spécifiquement, ce sont les conséquences de leur profonde connerie (sur cet aspect positif, là, il y a une reprise de ce qui faisait la pertinence d'un Risi ou d'un Monicelli !). Ce n'est pas dû à des circonstances extérieures que pourrait subir n'importe qui, riche ou pauvre, être médiocre ou être décent (hein, Ruben !).
Au-delà de cette satire, quelle est la raison d'être de cette œuvre ? Faire un doigt d'honneur. Oui, si on pouvait douter de ce but jusqu'à la pénultième scène, la dernière achève de retirer toute ambiguïté. Oui, c'est un doigt d'honneur que Polanski fait à ses détracteurs. Oui, le pauvre chéri, c'est le plus à plaindre. Il ne vaut pas mieux que les monstres qu'il dépeint. Il est peut-être même pire qu'une bonne partie d'entre eux. Après, là où le doigt d'honneur est justifié, c'est dans l'énorme hypocrisie ambiante en ce qui concerne les détracteurs. Ben oui, des personnes vous cirent les pompes durant plusieurs décennies et, paf, d'un coup, elles vous balancent dans le caniveau.
Mais artistiquement, qualitativement ? Ben, dans un espace géographique et un espace temporel réduits, il y a une avalanche de personnages, beaucoup de personnages, trop, bien trop à vrai dire. Ce qui est très gênant pour un film de caractères. Ce qui a pour conséquence, que rares sont ceux qui ont le temps d'être creusés, exploités un minimum. Il y en a même des tas à servir à que dalle, qui auraient pu être supprimés sans que rien soit changé dans l'ensemble des intrigues, à l'instar de l'ancienne gloire du porno (en fait, il a certainement été créé uniquement pour refourguer un rôle au producteur du film, Luca Barbareschi !). Même l'arc narratif principal qui est celui suivant le directeur d'hôtel, devant faire face aux innombrables actes débiles de ses clients friqués, voire les réparer, est mal mis en relief. L'écriture ne réussit pas du tout à mettre en scène son évolution psychologique face à tout ce que lui et son staff (staff mal mis en avant aussi, au passage, tant qu'à faire !) subissent tout au long de l'histoire. Ce qui fait que le ras-le-bol, qu'il exprime lors de sa dernière apparition, semble débarquer de nulle part.
Ouais, ce n'est pas le tout de faire un doigt d'honneur. Le plus important, c'est de bien le réussir.
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le 1 avr. 2024
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