The Player
7.3
The Player

Film de Robert Altman (1992)

"The Player" aurait tout pour me rebuter ou tout pour ne pas me rebuter. Ce que je savais déjà avant le film : c’est que le film s’ouvre sur un plan-séquence de près de huit minutes faisant entrer une vingtaine de personnages dans le décor et le clin d’œil final.


D’abord, c’est un des films que je rêvais de voir. Ayant adoré "Short cuts" et ayant lu plusieurs fois un article sur le film dans le livre "1001 films a voir", très élogieux.


Le film prends son temps, avec son plan-séquence de près de huit minutes totalement rempli d’allers et venues, de discussions (les dialogues ont été totalement improvisés par les acteurs à ce que j’ai lu avant de voir le film) et puis l’angoisse monte doucement mais sûrement et Tim Robbins, producteur requin, l’air de s’en foutre mais voit un concurrent qui pourrait lui raviver sa place, stresse de plus en plus : des mystérieuses cartes postales avec des messages marques au feutre : menaces de mort principalement. Le film nous balade car il assume parfaitement son scenario : ce qui arrive à Griffin semble sortir d’un des innombrables scénarios qu’il refuse de produire chaque jour.


Alors ici : on est au cinéma, on parle scenario, mise en scène, production, un peu management, etc, les personnages parlent essentiellement de cela.
Critique féroce de Robert Altman : que ce sont les producteurs a Hollywood qui décident et non les scénaristes.
C’est pour ça qu’on est obliger d’aimer "The Player" : le seul film qui assume parfaitement son scenario. Moi je suis pas un grand fan des happy-end, il est d’ailleurs dit dans "The Player" que le happy-end nuit au réalisme du film, qu’un film est pas réaliste si il finit bien. Autant dire que je suis assez d’accord. Le film est beaucoup plus réaliste si il termine mal : "Parce que c’est la réalité" s’entête a dire le scénariste du faux-film quand il balance son idée au personnage incarné par Tim Robbins. Le film assume aussi parfaitement son coté histoire d’amour à l’eau de rose entre le personnage incarné Griffin et June : la femme du type qu’il as tué, le film va encore plus loin lorsque dans une scène, Griffin dit à June, tout les ingrédients que doit contenir un film pour faire un succès commercial et c’est la que justement "The Player" balance ces ingrédients !


Robert Altman ayant parfaitement compris ce qu’il fallait faire pour qu’un film marche et bien ne se gêne pas : de la violence (la scène de meurtre opposant deux grands : Tim Robbins (1 m 96) et Vincent D’Onofrio (1 m 93) est pas vraiment violente plutôt impressionnante du fait de la grande taille des acteurs), du sexe (peu après la liste des ingrédients donnés par Tim Robbins), des stars, un happy-end. Faire vouloir un film sans un de ces ingrédients semble tenir du casse-gueule et il reflète bien la réalité.


Je pensais que le film allait être plus mordant que cela, qu’il y aurait plus de choses glauques et bien en fait non et la règle d’un pitch c’est qu’il doit tenir en moins de 25 mots. Robert Altman et son scénariste savent de quoi ils parlent, Altman avait déjà 66 ans lors du tournage et une trentaine d’années de carrière derrière lui, il était le mieux placé pour critiquer Hollywood. Il y a quasiment un défiler perpétuel de stars, entre stars qui jouent des personnages, ou des stars (comme Malcolm McDowell et Andie McDowell) qui jouent leur propre rôle. Les dialogues se superposent, si bien que dans une scène (pour ne citer qu’un exemple parmi la dizaine ou peut-être quinzaine de scènes de ce genre) contenant six personnages, il y a trois discussions en même temps, difficile, si ce n’est impossible de toutes les suivre puis Altman gracieux, se concentre progressivement sur une seule. Mais le film est réaliste dans sa description du monde hollywoodien car il est fait par quelqu’un qui connaît Hollywood de l’intérieur, là bas Robert Altman a occupé quasiment tous les postes possibles et donc forcément bien Hollywood.


Mais l’histoire qui m’as le plus touché c’est l’histoire d’amour entre Griffin et June : il l’aime et dans une scène, très jolie par ailleurs, il lui dit et leur histoire d’amour est très progressive.


Le film est rempli de clin d’œils, de références, on entends des tas de noms de films, d’acteurs, de réalisateurs, nous sommes en 1992 et le succès de "Pretty Woman" résonne encore par exemple, donc plein de films sortis peu avant le tournage sont cites mais aussi des classiques. Par ailleurs, pour un film de cette époque : il as des moyens technologiques importants (on voit même un fax dans une voiture ou des ordinateurs derniers cris (pour l’époque)). Robert Altman zoome sur des affiches de films, des messages un peu partout. Parfois même des scènes cités par des protagonistes leur arrivent. Mais petit à petit, les messages que ce soit Mill qui disent aussi qu’il doit se rendre à plusieurs endroits font avancer le film, comme si Robert Altman écrivait le scenario en parallèle de l’action de la vie du personnage. Et bout à bout, ça conduit au happy-end.


Les interprètes sont impeccables, Tim Robbins livre une performance superbe et impressionnante dans ce rôle de producteur parano et immoral, Greta Scacchi est très bonne en jeune femme un peu perdue, complice indirecte de Tim Robbins. On note aussi les prestations de Sydney Pollack, impeccable en boss ou encore l’acteur qui interprète l’avocat de la société de production.


Le film s’amuse comme on voit rarement, taillant un portrait aiguisé d’Hollywood, son hypocrisie (des gens saluent gentiment Mill avant de le critiquer), sa façon de fonctionner et aussi de façon prémonitoire : la décadence hollywoodienne, déjà en 1992, il n’y avait que des grosses productions qui peuvent marcher, on pense aujourd’hui aux studios qui ne pensent qu’a faire des sagas à gros budgets et des suites (au tout début de "The Player", un assistant de Mill lui propose de faire un "Le Lauréat 2", la suite du film avec Dustin Hoffman, 25 ans plus tard, Dustin Hoffman serait toujours avec sa femme et tout depuis ils sont une fille et elle serait une nouvelle Mrs Robinson), le film est toujours plus d’actualité, à titre d'exemple : Jim Jarmusch ne s’est jamais gêné pour critiquer le système hollywoodien, pour financer ses films, il fait appel aux pays européens, il a déclaré en 2009, que dans les années 80 alors que sa carrière décollait, les studios lui proposaient des scripts qu’ils adapteraient, des suites de "Risky Business" ou des trucs dans le genre pour ados mais ils accepteraient qu’il pourrait le faire à sa sauce, il a toujours refusé et "depuis quinze ans, on ne me propose plus rien de toute façon, qui plus est, ils ont vu que mes films ne marchaient pas.", autant dire que lorsqu’on entends les paroles d’un cinéaste aussi indépendant que Jim Jarmusch et quand on voit comment fonctionne la machine hollywoodienne dans "The Player" : alors oui, c’est réaliste.


Quand le film est sorti, Robert Altman s’attendait sûrement à se faire incendier, au lieu de cela, la critique l’a adulé, le public aussi. Mais "The Player" reste un modèle, une sorte de documentaire qui montre ce qui ne va pas a Hollywood : pour le cinéma est en crise ? On a la réponse dans un film tourner il y a 30 ans. Rien que pour son statut immoral, le film arrive direct dans mes films préférés. Car "The Player" se paye le luxe après près de deux heures de film, après avoir bien égratigner Hollywood de se terminer parce qu’il semble critiquer.


Pour finir, la partition de Thomas Newman est superbe.

Créée

le 7 août 2021

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Derrick528

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