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The Power of the Dog est un film malade, rongé de l’intérieur tels les troupeaux décimés par la fièvre charbonneuse ; seulement, ce mal est essentiellement humain, appartient à la nature sociale de l’homme qui échoue à s’intégrer à un environnement normé et policé. Projetée dans un monde qu’elle ne connaît pas, Rose souffre d’un changement de classe qui ne saurait lui correspondre ; la séquence de réception, au cours de laquelle l’épouse est raccordée à son statut de parvenue et subit le mépris tacite du gouverneur et des siens, annonce sa chute à venir, un alcoolisme qui la relie à son premier mari. Peter voit sa vocation de chirurgien empêchée : il doit évoluer dans un microcosme qui n’accepte ni de tuer les animaux à l’intérieur de la maison ni de pratiquer les dissections, en témoigne la gêne des cowboys devant son intérêt scientifique pour des oiseaux nichés sur les branches d’un arbre ; sa physionomie et sa sensibilité le placent également en marge. Phil, personnage le plus ambigu et donc le plus passionnant du long métrage, tente de cacher son homosexualité fétichiste sous des airs de brute virile et taiseuse.


Fétichisme qui trouve, auprès de chacun des protagonistes, sa définition propre : la médiation par un objet pour incarner et explorer des fantasmes brimés, impossibles à assouvir. Il n’y a donc que par la violence que ces êtres communiquent vraiment, se livrent véritablement : « Nous ne sommes pas inaccessibles », répète Rose à son fils alors qu’elle titube. Jane Campion compose un western douloureux – mais jamais sadomasochiste, cantonné au fétichisme – qui interroge de façon brillante la construction des identités sexuelles et des mythes fondateurs de l’Ouest américain : la figure ambivalente de Bronco Henry, d’abord assimilée à une légende vivante, mute en initiateur à l’homosexualité, à l’image des collines qui dessinent et un chien aboyant et la silhouette d’un corps allongé – nous percevons des formes anthropomorphes qui rappellent étrangement la nudité de Phil. Ce dernier parle de « patience devant l’adversité » ; Peter préfère le mot « obstacles ». Dans les deux cas, une solitude en commun qui s’estompe, parce qu’interdite, aussitôt apprivoisée.


Un immense film, magnifiquement photographié et mis en scène, que portent des acteurs au sommet.

Fêtons_le_cinéma
9

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Créée

le 15 févr. 2022

Critique lue 266 fois

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