Stephen Frears tente l'exercice complexe, de relater une chronique qui a déjà fait couler beaucoup d'encre. S'ajoute à cela la difficulté du pseudo "biopic" sur un personnage politique toujours bien vivant. A n'en pas douter, si The Queen est assurément un magnifique film, il n'en demeure pas moins un vrai challenge.
Bien loin du conventionnalisme qui aurait visé à faire passer la reine Elizabeth pour une gentille, et la princesse Diana pour la méchante de l'histoire, Stephen Frears s'attache à retranscrire avec minutie, les pouvoirs qui incombent la condition d'une souveraine. A la manière de la récente série The Crown disponible sur Netflix, le manichéisme est absent du film. Le scénario tend à ne prendre aucun partie mais plutôt à contrebalancer les points de vue, à juger le pour et le contre en quelque sorte. C'est sûrement là la meilleure des démarche sur un projet pareil.
Grâce à l'interprétation solide d'Helen Mirren, à qui Michael Sheen fait face, le film possède sans surprise ici ses deux atouts majeurs : une reine parfaitement retranscrite qui incarne le pouvoir ancestral relégué à sa simple fonction figurative, et un jeune premier ministre plus en phase avec les moeurs de son temps. Cette opposition des réalités est tout à fait passionnante. L'écriture intelligente du film permet à ce dernier d'atteindre des moments de grâce incomparables. Jamais dans l'optique d'être une reconstitution parfaite, mais plutôt d'être un film sur une femme au pouvoir, The Queen nous propose de vivre un évènement de l'intérieur.
Bien loin de la caricature, les personnages composent ici une troupe en proie au doute. La reine, qui malgré sa condition demeure à la merci de son gouvernement et de la plèbe, alors qu'elle tente d'agir en grand-mère responsable. Le jeune ministre plein de fougue, qui tente de se faire une image, doit bientôt remballer un temps son statut pour se mettre à la place de celle qui est sa souveraine. L'un comme l'autre doivent avant tout se comprendre pour faire face ensemble, pour eux mais aussi bien sûr pour leur nation. Ce que raconte The Queen, c'est la difficulté de l'instant dans lequel il faut réagir dès lors que l'on représente un pays et une institution et en cela le film est redoutable.
Mise en scène précise et décomplexée, des acteurs qui font mouche et impressionnent beaucoup, Helen Mirren est tout simplement parfaite, et une reconstitution fidèle sans être pataude. Voilà ce qui rend The Queen si passionnant. Le film est réussi parce qu'il est jaugé avec justesse, c'est de là qu'il tire sa force. La musique d'Alexandre Desplat retranscrit parfaitement l'ambiance recherchée dans le film, une situation compliquée que cette bande-originale plus légère vient désamorcer.
The Queen est un magnifique film sur la souveraineté moderne. Helen Mirren y incarne une reine plus humaine que l'on a l'habitude de la voir, et il faut bien avouer que cela ne manque pas d'intérêt. A découvrir.