The Queen par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Diana et Dodi Al Fayed sont de passage à Paris ce samedi 30 août 1997 et résident à l'hôtel Ritz, place Vendôme à Paris. Ils décident de quitter l'établissement en fin de soirée et s'engouffrent à bord d'une Mercedes-Benz. Aussitôt, la voiture est suivie par une dizaine de paparazzi. En arrivant sous le tunnel du Pont de l'Alma, c'est le drame. La voiture heurte le mur et finit sa course dans une pile du pont. Des quatre passagers, Dodi Al Fayed et le chauffeur sont tués sur le coup, le garde du corps est grièvement blessé et Diana est dans un état critique. Elle décèdera le dimanche 31 août 1997 vers cinq heures du matin à l'hôpital Salpêtrière.


A la suite de cet épouvantable accident, la Reine est immédiatement réveillée afin de lui communiquer tous les détails de la tragédie et Tony Blair son jeune Premier Ministre en est également informé. Devant cette situation le Prince Charles se rend à Paris pour se recueillir sur la dépouille de Diana. Quant à Elisabeth II , règnant depuis quarante-cinq ans, elle reste empêtrée dans les traditions de la cour et décide de rester indifférente s'agissant, pour elle, d'une affaire privée. Son Premier Ministre, à l'écoute de la presse et de l'opinion publique, tient à faire célébrer des obsèques ouvertes aux personnalités et au peuple. La Reine s'y refuse et pour mieux marquer sa différence part en Ecosse avec sa famille au château de Balmoral en Ecosse. L'opinion publique bouleversée commence à douter de la Reine et s'irrite de l'attitude de cette famille royale envers leur "idole". Tony blair, à l'apogée de sa popularité, prend alors l'initiative et entre en contact avec Elisabeth II et son entourage, notamment le Prince Charles, afin qu'elle change d'attitude pour sauver la popularité de la Couronne.C'est ainsi qu'au bout de cinq jours de flottement et d'incertitude, la Reine sort enfin de son mutisme en acceptant de faire une allocution officielle et de participer à des funérailles dignes de la personnalité et de la popularité mondiale de Diana grâce notamment à ses actions humanitaires.


Ce films de Stephen Frears, abordant un sujet toujours aussi présent dans les mémoires, est très intéressant et courageux. Il y a déjà une analyse très fine du climat politique au moment du drame. Le réalisateur nous décrit les représentants d'une couronne, déconnectés de ses sujets et habitués jusqu'alors à collaborer avec un gouvernement conservateur. Mais devant l'échec de cette politique axée sur un libéralisme pur et dur, une vague rose avait envahi le pays et Tony Blair, jeune candidat travailliste, avait séduit les anglais par son programme, sa simplicité et sa spontanéïté. Elu, il se heurte à une monarchie qu'Elisabeth II maintient fermement dans les grandes traditions, encouragée en cela par la Reine Mère et surtout le Duc d'Edimbourg. Au milieu Charles, le futur Roi, est partagé entre des sentiments de soumission dus à ses futures fonctions et un sentiments de réformes relatif à sa vie sentimentale et à l'évolution de la société. En fait, nous sommes devant un véritable conflit larvé de génération. En dehors de tout cela, Diana, elle aussi médiatique, séduisante, intelligente essaie de vivre avec les idées de son époque malgré ses déboires de couple qui mettent en difficulté l'honneur de la Couronne et le Palais n'apprécie pas cette situation. Puis, dans ce tumulte,le drame se produit, mettant la famille royale devant un difficile dilemme. Celle-ci n'avait pas prévu la douloureuse réaction de l'opinion publique. Le Premier Ministre s'engouffre dans ce créneau et prend alors les initiatives pour asseoir sa popularité et son indépendance vis à vis de la Reine. A voir l'attitude d'Elisabeth II envers la ferveur de la population pour Diana, une suspicion planera à jamais autour de cet "accident" pour le moins inattendu.


Au niveau de la réalisation, Stephen Frears a bâti ce film comme il en a l'habitude, en intégrant des images d'actualité d'époque afin de rendre plus authentique et convaincant son propos. L'idée est parfaite même, si dans ce cas, il utilise à volonté la corde sensible en nous montrant des images maintes fois diffusées par les médias. Mais qu'importe, on l'excuse car Diana le valait et le méritait bien. La mise en scène et les prises de vues sont superbes. Nous entrons dans l'univers secret de cette Cour aux usages amidonnés et aux conversations plus surréalistes que révoltantes sur la société. Helen Mirren nous fait une formidable composition d'Elisabeth II, prisonnière de son rôle de souveraine depuis quarante-cinq ans. Par ses qualités d'actrice,elle passe progressivement par des contrastes frappants dans ses attitudes, ses mots, ses regards et son évolution, même timide, de ses idées sur la société. Michael Sheen ne ressemble pas trop, à mon avis, à Tony Blair. Malgré tout, l'esprit du personnage sonne juste et le talent est au rendez-vous. Chacun entre de belle manière dans la peau des autres membres de la Couronne, James Cromwell dans le rôle de "l'étroit" Prince Philipp et Sylvia Syms dans celui de la Reine Mère "décorative". Quant à Roger Allan, il se montre très bon dans le rôle du Prince Charles, plutôt avantagé malgré tout.


Ce film est une très bonne analyse du décalage entre la famille royale et ses sujets. Le réalisateur n'explicite pas une thèse au niveau de l'accident de Diana. Il nous laisse juger et pour cela, il nous apporte des éléments et nous livre un film aussi original qu'utile qu'il ne faut absolument pas manquer.


Ce film a obtenu la Coupe Volpi de la meilleure interprétation pour Helen MIRREN et l'Osella du scénario pour Peter MORGAN à la 63ème Mostra de Venise.

Grard-Rocher
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le 17 mai 2013

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