La Journée en Enfer de Gareth Evans et Iko Uwais
Quand nous l’avions croisé en Irlande pour la promotion du premier volet, Gareth Evans évoquait déjà la suite de The Raid comme le film qu’il voulait faire à la base. Le coeur-même de son histoire dont le premier ne serait qu’une mise en bouche et une manière de gagner de l’argent pour avoir le budget nécessaire à son projet.
C’est exactement ce qu’est réellement Berandal par rapport à The Raid : le plat principal après un petit hors d’œuvre. Un film aussi réussi que spectaculaire, différent mais encore plus impressionnant.
The Raid 2 commence là où le premier s’est arrêté. On retrouve donc Rama -Iko Uwais, magique- au commissariat accompagné de Wahyu (le flic aux cheveux blancs) qu’il a arrêté et de son camarade survivant. Une scène courte pour faire le lien entre les deux films et on entre dans le vif du sujet : Rama doit infiltrer l’un des deux gangs de la ville pour les faire tomber et emporter avec eux tous les flics corrompus par le système. Et pour cela, il doit commencer par la prison. Ainsi, et pour la plus grande joie des amateurs du genre, Berandal commence comme un film de prison. Ensuite, et à l’image du premier, il sera question d’ascension, si ce n’est qu’il n’est plus question de monter les étages d’un immeuble mais les échelons au coeur du système mafieux indonésien.
Vous l’aurez compris : si The Raid s’offrait le luxe de proposer 90 minutes d’action non stop, sa suite prend le temps de poser un scénario un peu plus dense dans lequel Rama fait son chemin au milieu de gangs dont la trève ne demande qu’à rompre. Mais le film faisant 2h30 (!), il y a autant d’action que dans le premier volet !
Berandal a donc un rythme différent. L’action est découpée en trois actes et trois scènes d’actions majeures (la prison, une poursuite en voiture et le final dans un restaurant) auxquelles il faut ajouter des petites scènes de baston intermédiaires mais tout aussi réussies dans lesquelles Gareth Evans fait intervenir différents personnages, semblant sortis d’un manga tant ils sont archétypaux (une arme, une caractéristique physique, un rôle précis et limité à l’image d’une fille qui tue dans un métro à l’aide de marteaux). Ses trois parties sont séparées par des scènes de dialogues faisant avancer l’histoire, un vrai scénario visant à élargir l’univers déjà mis en place. Vu la durée du long-métrage, on ne peut qu’apprécier ces pauses vu le reste… On ne va pas se mentir, cette histoire se prend un peu les pieds dans le tapis. Entre trahisons, retournements de situations et multiples personnages pas forcément utiles au récit (Yayan Ruhian -Mad Dog dans le 1er- retrouve un petit rôle temps de botter quelques culs, mais pourrait être retiré du récit). The Raid avait déjà le défaut de vouloir complexifier une histoire qui n’en a pas besoin et Berandal n’est pas en reste. Cela dit, on pardonne volontiers ces petits problèmes d’écriture à Gareth Evans tant l’action est à couper le souffle.
Moins de fusillades, plus de silat. Et une réalisation toujours aussi bluffante. Ayant la liberté de nombreux décors, n’étant plus limité à l’immeuble, Gareth Evans montre toute l’étendue de son talent de metteur en scène. Si vous aviez apprécié la longueur des plans et la manière de filmer de The Raid, vous en aurez ici encore pour votre argent. Les scènes sont longues, les plans sont larges et l’esthétisme des scènes vient nous aider à tolérer la violence (parfois extrême) des combats. Mieux, certaines scènes impliquent désormais des foules et les arrières plans sont aussi chorégraphié et millimétré que ceux à l’avant. D’autres sont absolument bluffantes et on a hâte de découvrir un making of tant certains plans sont hallucinants. Un exemple ? Un homme se bat, finit à terre et se prend un bloc de béton dans la tronche déformant son crâne. Dans une production classique, on aurait droit à un changement de plan : une caméra proche du visage, un contrechamps ou n’importe quoi permettant de caler un effet spécial, un trucage. Ici, la scène est en une seule prise – large puis rapproché et on ne peut que s’interroger sur les moyens mis en œuvre pour nous en mettre autant plein la vue.
Il faut dire que le réalisateur a eu la chance de faire son film en Indonésie, sans la pression d’un producteur américain venant lui taper sur l’épaule. Ainsi, une scène de combat se déroulant dans une cuisine a mis plus d’un mois à être tournée pour être aussi précise, une aberration dans le système actuel américain.
On venait pour voir Iko Uwais distribuer des mandales et on a pour son argent tant l’action est jouissive, à la limite de l’orgasmique. Si The Raid était le Piège de Cristal de Gareth Evans, Berandal est sa Journée en Enfer avec un jeune prodige des arts martiaux à la place de Bruce Willis.
Mais soyons clair : The Raid 2 n’est pas le meilleur film d’action de l’univers entier (le titre étant toujours attribué à Die Hard ou à Terminator 2). En s’inspirant de ses maitres, de John Woo à John McTiernan en passant par Sam Peckinpah, Evans livre quand même l’un des meilleurs films d’action des ces dernières années. Plus qu’un plaisir coupable, un plaisir tout court pour les amateurs du genre. Et on n’a désormais qu’une envie, outre retourner le voir, c’est qu’Evans ne tarde pas à mettre en route la fin de sa trilogie pour ensuite passer à autre chose. Et continuer à faire, longtemps, du cinéma d’action.