Action (trop) longue durée
Tombant sous une logique infaillible pour la majorité du public (si le premier film a marché le deuxième sera forcément meilleur grâce à un budget conséquent), la suite est pourtant un exercice très périlleux dans le domaine cinématographique. Le réalisateur et les scénaristes doivent résoudre un véritable casse-tête : faire évoluer logiquement les personnages, développer une nouvelle intrigue, réussir à trouver le bon équilibre entre nouveauté et respect de l'aîné afin de ne pas perdre le public déjà acquis.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que Gareth Evans (réalisateur, scénariste, monteur et technicien de surface) n'aime pas faire comme tout le monde. Laissant de côté la coutume du "toujours plus" (plus d'action, plus de blagues, plus de sexe, pour une suite), le réalisateur britannique préfère se lancer dans une suite ambitieuse avec comme inspirations les films de Scorsese pour le scénario et les délires asiatiques ultra-sanglants pour les combats. Précisons que le scénario original a été écrit avant The Raid premier du nom puis adapté pour en faire une suite. Malheureusement, ça se ressent. Je ne le cache pas, contrairement à la majorité des critiques publiées aujourd'hui, The Raid 2 m'a laissé de marbre. Mais pour que vous compreniez ma déception, il faut que je vous raconte une petite histoire, celle de The Raid premier du nom.
Sorti en 2012, avec moins de 190 000 entrées, The Raid n'a pas tenu plus de deux semaines sur notre territoire. Un échec cuisant pour ce petit film américano-indonésien d'un million de dollars. Pourtant, il n'a pas fallu longtemps pour que les spectateurs se passent le mot : The Raid est un bon film d'action, maudit par une distribution française pourrie. Son destin à l'international fut tout autre : 4 millions de dollars de recettes en Amérique du Nord, 250 000 entrées en Indonésie la première semaine de sa sortie. Sans compter un véritable succès critique en Occident ! Au total, le film généra 9,1 millions de dollars de recettes à travers le monde.
Avec un scénario réduit au minimum - une équipe de flics décident de lancer un raid sur l'immeuble du plus grand baron du crime indonésien - The Raid enchaîne les scènes d'action dans une ambiance crasseuse avec une très grande maîtrise. Et Gareth Evans sublime cette action grâce à sa signature : d'oppressants ralentis vous préparant psychologiquement à un déluge de balles et de poings meurtriers, un effet de style que l'on retrouve d'ailleurs dans le deuxième opus. The Raid devint rapidement culte sur les internets.
Revenons maintenant à The Raid 2, qui reprend l'action là où s'était arrêté le premier film. Afin de mettre un nom sur tous les flics corrompus de la ville, Rama (héros du premier film) doit se faire remarquer par la pègre afin d'approcher le parrain. Après un rapide voyage en prison, Rama rejoint les rangs des gangsters, devient pote avec le fils du parrain et se retrouve coincé dans son rôle d'agent infiltré, le cul entre deux chaises : terminer sa mission en récoltant le maximum d'informations tout en aidant la pègre afin de ne pas griller sa couverture. Bien sûr, ses amis poulets refusent de lui venir en aide et nieront toute implication en cas de pépin. Une reprise quasiment point par point de l'arc scénaristique de Billy Costigan (DiCaprio) dans Les Infiltrés de Scorsese . Un scénario réchauffé qui décolle après 1h de film sur les longues 2h30 au total, combiné à une narration hachée durant le premier quart... Heureusement, les combats en mettent plein la gueule ?
Oui et non. Comparés à ceux du premier volet, les combats de The Raid 2 n'impressionnent pas particulièrement. Moins bien chorégraphiés en général, ajout d'éléments gores dispensables voire ridicules, sans compter de gros trips WTF... Parfois à la limite de la parodie, les scènes d'action de The Raid 2 déçoivent. Une encore plus grande déception lorsque l'on retrouve les deux adeptes de la grosse tatanne dans la gueule (Rama et Madog) et l'épatante façon de filmer de Gareth Evans avec une unique caméra. Une déception, je vous dis.
Bien qu'il faille saluer l'audace du réalisateur, qui n'a pas voulu servir une suite à ouverture facile préparée en 2 minutes au micro-ondes, on se demande si Gareth Evans ne s'est pas un peu trop emballé après avoir remporté haut la main son premier concours international de cuisine. Ennuyé par un scénario peu original et décontenancé face à des scènes d'action mi-sérieuses mi-barrées, je n'ai pas réussi à apprécier cette fausse-suite. Mais peut-être est-ce là la critique d'un fan pourri gâté, incapable de se détacher du premier volet et d'apprécier The Raid 2 pour ce qu'il est. Tout le monde vous le conseille, donc jetez-y un coup d'oeil. Je retourne pleurer dans ma grotte de mélancolie, en attendant la sortie du troisième épisode.