Marche funèbre
Ce n'est pas très conventionnel, mais commençons par une mise au point entre rédacteur et lecteurs : je fais partie des rares personnes qui n'ont pas aimé Birdman, le précédent travail d'Alejandro...
le 25 févr. 2016
173 j'aime
41
Dès les premières images, Alejandro González Iñárritu manifeste sa maestria, ses caméras volent, dansent, cabriolent, plongent. Sa virtuosité se fait insistante. Estomaquée, l’assistance s’interroge, mais comment fait-il ? Dans le silence absolu de la grande salle, en l’absence de musique, de sourdes conversations bruissent, chacun y allant de son hypothèse...
Mais, déjà une seconde question s’impose : pourquoi fait-il cela ? Les plans séquences de Birdman, des loges à la scène, de la scène à la rue, de la rue aux loges, étaient signifiants, exprimant l’enfermement et la schizophrénie du héros. Que signifient-ils ici ? Le premier combat est filmé à la Marvel. Pour la franchise Avengers, la mêlée générale est un passage obligé, qui nous conduit du tous contre tous informe, au tous unis face au « boss » adverse, conformément au « plan ». La cruelle mêlée du Revenant n’est qu’une boucherie. Tant de grâce pour une tuerie, n’est-ce pas vain ? Une vanité qui s'accroit si vous visualisez le déploiement de caméras, grues, véhicules, groupes électrogènes, acteurs, figurants, consultants et techniciens, nécessité par la scène, dans ce qui nous est présentée comme une nature inviolée.
Après une lutte à mort contre un grizzli, le trappeur Hugh Glass (Leonardo DiCaprio) est laissé pour mort par ses camarades et son fils froidement tué. Pour le venger, il doit survivre. Cœurs sensibles, accrochez-vous. The Revenant oscille entre contemplation et scènes d’équarrissage. Le panthéisme triomphant de Dersou Ouzala ou Jeremiah Johnson, la spiritualité d’Ivan Roublev et la complaisance pour la cruauté des 8 salopards. Massacres, viols, tortures, rien ne nous est épargné.
Que nous dit-il ? Les Blancs se haïssent et les Indiens se détestent. Les Blancs méprisent les Indiens qui dédaignent les Blancs. C’est la guerre. Qui a commencé ? Va savoir, le cycle mimétique de la haine et de la vengeance tourne à plein. L’homme est (pire qu’) un loup pour l’homme. Trappeurs et Indiens ne respectent que le lien du sang, plus rarement de l’amitié et de l’humanité. Tous sont emportés dans la danse macabre. Dans les dernières secondes, González Iñárritu semble atténuer son propos, seul Dieu venge... Trop tard.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes 90 critiques de petits ou grands blockbusters, 32 critiques de films de guerre, 99 critiques de drames, 70 films vus et critiqués en 2018 et Hommages aux acteurs
Créée
le 26 juil. 2018
Critique lue 2K fois
38 j'aime
21 commentaires
D'autres avis sur The Revenant
Ce n'est pas très conventionnel, mais commençons par une mise au point entre rédacteur et lecteurs : je fais partie des rares personnes qui n'ont pas aimé Birdman, le précédent travail d'Alejandro...
le 25 févr. 2016
173 j'aime
41
Passé l’exercice de style, accompli avec un brio rafraîchissant et sans précédent, de Birdman, Inarritu revient avec une œuvre, toute aussi maîtrisée, mais plus complète. Dès l’une des premières...
Par
le 28 déc. 2015
114 j'aime
18
Il est parfois de grandes énigmes qui se révèlent être de parfaits trompe-l’œil. De face, l'absence d'Oscar pour Leonardo jusqu'à ce film pouvait sembler incompréhensible. Mais en se déplaçant de...
Par
le 29 févr. 2016
102 j'aime
23
Du même critique
Clint est octogénaire. Je suis Clint depuis 1976. Ne souriez pas, notre langue, dont les puristes vantent l’inestimable précision, peut prêter à confusion. Je ne prétends pas être Clint, mais...
le 14 oct. 2016
127 j'aime
31
Je dois à Hayao Miyazaki mon passage à l’âge adulte. Il était temps, j’avais 35 ans. Ne vous méprenez pas, j’étais marié, père de famille et autonome financièrement. Seulement, ma vision du monde...
le 20 nov. 2017
123 j'aime
12
J’avais sept ans. Mon père, ce géant au regard si doux, déposait une bande dessinée sur la table basse du salon. Il souriait. Papa parlait peu et riait moins encore. Or, dans la semaine qui suivit, à...
le 11 juin 2016
123 j'aime
30