Marche funèbre
Ce n'est pas très conventionnel, mais commençons par une mise au point entre rédacteur et lecteurs : je fais partie des rares personnes qui n'ont pas aimé Birdman, le précédent travail d'Alejandro...
le 25 févr. 2016
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Quelle richesse dans la carrière d'Inarritu ! Ce film hors norme m'aura demandé deux jours de prise de recul avant d'écrire une critique...
Après un parcours déjà marqué par une passion pour la tragédie, le goût de la beauté dramatique, le réalisateur de The Revenant n'a de cesse de surprendre et de se renouveler, poussant dans ses retranchements ses recherches sur la profondeur de l'âme humaine. Avec ce dernier film, le cinéaste mexicain atteint un nouveau degré.
Ce long-métrage est une étape marquante de sa carrière. En début parsemée de récits très personnels et croisés, débouchant toujours sur un final tirant les larmes (Babel, Amours Chiennes...), puis un essai récréatif surprenant et vivifiant avec Birdman l'année passée. Du neuf presque à chaque fois, qui intrigue et impressionne, avec toujours une avancée dans le traitement de l'image, et des contextes sans cesse différents.
Au delà de cela, Inarritu poursuit dans ses expériences sur la sociologie, et le pouvoir de l'homme à s'adapter, résister et se relever des situations les plus atroces. C'est réellement, en plus de son talent de metteur en scène, ce qui personnifie le plus son cinéma. Chacun des personnages de ses films est meurtri, défiguré, bafoué, mais puisera dans cet océan de misère humaine les réponses pour rencontrer son "moi" et se libérer.
The Revenant ne déroge pas à la règle des précédents long-métrages du réalisateur. Seulement, par cette nouvelle mise en forme, cette image impressionnante, le film en impose bien plus que tout les autres.
C'est un film de vengeance, comme il y en à beaucoup. Je n'ai pu m'empêcher de songer pendant la projection à des auteurs comme Park Chan-Wook ou même Akira Kurosawa, car la pression constante et la folie des protagonistes me ramenait à des films comme Old Boy ou Sanjuro. Inarritu n'a rien à envier à ces maîtres. Les personnages principaux interprétés par Léonardo DiCaprio et Tom Hardy sont incroyablement convainquant. Quel tour de force de ces deux acteurs ! La direction artistique est très réussie, et le casting sans faille. Chaque rôle est porté avec une grande justesse, la palme revenant à DiCaprio, qui à mon avis délivre ici la performance la plus impressionnante de toute sa carrière. Le personnage vit littéralement en lui, l'habite.
Mais revenons au cinéma de l'image un instant. Le traitement de la caméra, le style et les choix de cadrage m'ont au début un peu rebuté. Je songe à cette contre-plongée permanente, ce grand-angle oppressant et très marqué, cette lumière faussement tamisée. Il aura fallu un peu de temps pour que j'y trouve du génie, cette faculté à rendre l'environnement du récit aussi terrifiant. Inarritu filme la nature comme je ne l'avais encore jamais vue au cinéma. Les décors naturels sont magnifiques, comme le travail sur les costumes et le maquillage. Le Music Score est également d'une grande qualité, sert le récit à la carte tout en subtilité. Les énergie envoyées au spectateur sont fortes, presque brutales. Les paysages sont froids et hostiles, transpirant l'effroi.
Jamais une forêt, des plaines enneigées ou bien une rivière n'auront paru aussi inhospitaliers. Tout dans cet espace des USA balbutiants rappelle à la naissance de cette nation, sa dureté. A l'image des personnage, la nature est bestiale.
Et justement le film prend ici toute sa substance : dans cette facette de l'homme si lointaine de nos sociétés moderne, son rapport à l'autre si "animal". Ces humains qui ne sont pas encore réellement civilisés, qui s'entre-déchirent pour un lopin de terre ou quelques fourrures.
De ce fait, le film est violent, mais cette violence n'est en aucun cas un prétexte, un apparat vendeur. Chaque passage sanglant prends sens, qu'il soit diabolique ou libérateur. Car au delà du premier degré, Inarritu réussi le pari de mêler la forme et le sens, de montrer que dans toute cette joute réside les intentions les plus pures en chaque homme : parfois le bien, parfois le mal. Le récit est par définition un "survival", mais la difficulté du parcours des personnages incarnés par Léonardo DiCaprio et Tom Hardy n'est qu'un long chemin vers la rédemption.
En trame de fond, on peut également retrouver de nombreux sujets à la fois intéressants et déroutants sur la naissance des nations, le socle sur lequel reposent nos modèles contemporains. Inarritu décrit avec noirceur les prémices de ce qui sera les Etats-Unis d'Amérique, avec son lot de perversion, de génocide et de marchandages. Bel effort que de montrer la violence des deux côtés, que ce soit les Blancs ou les Indiens, se rejoignant tous deux dans la cupidité et la possession. Le côté spirituel et introspectif de l'ensemble est aussi passionnant, nous ramenant à nos primaires, ce qui compte le plus dans la (sur)vie. C'est d'ailleurs sur cette corde sensible que le film tire à sa fin, nous laissant réfléchir à nos besoins les plus instinctifs, aux sentiments bruts qui animent nos corps.
Avec The Revenant, A-G Inarritu signe un véritable chef-d'oeuvre d'une profondeur et d'une intensité remarquables. Servi par une distribution des rôle à tomber par terre, la richesse de son récit et une véritable immersion, ce dernier film impose le respect.
Bravo !
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Oscar du meilleur film 2016
Créée
le 26 févr. 2016
Critique lue 260 fois
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