Les premières minutes de The Revenant et l'extraordinaire plan-séquence qui les accompagnent, en plein champ de bataille, donnent le ton : Iñárritu a décidé de taper très fort, en profitant au maximum des progrès techniques pour offrir un spectacle entre horreur et majesté.
Qu'il est loin, le temps de l'admirable plan-séquence d'Orson Welles lors de l'ouverture de La Soif du Mal ! Iñárritu a de l'ambition et y met les moyens. La caméra est grandiose, virtuose, virevoltante et pivotante à nous faire perdre le Nord mais jamais nos repères, au milieu de ces décors à tomber et jamais mis de côté. Mieux : c'est l'action de The Revenant qui sert le décor, et non l'inverse. Iñárritu pose (sic) sa caméra et laisse parler la magnificence des lieux, toujours présents, à chaque plan, au premier ou au second. Le réalisateur ne se refuse absolument rien, plongeant la caméra dans les eaux glaciales du Nord, la ressortant, l'envolant dans les airs jusqu'au rivage, jusqu'aux visages, tout cela en un seul plan. Il ne recule devant aucune envie. Il prend du plaisir, il a de l'ambition et se donne la maîtrise de ses moyens. On souhaite que les plans ne s'arrêtent pas, que la caméra continue ses tours de force, de nous faire tournoyer avec elle au milieu des rivières, des forêts et des montagnes.


Jamais trop contemplatif, jamais trop peu, Iñárritu lorgne du côté de Terrence Malick en prenant soin d'éviter l'écueil métaphysique trop appuyé, du côté de Refn (notamment Valhalla Rising) sans plonger dans le flm-clip, du côté de Cuarón dont la maîtrise du plan-séquence n'a rien à envier à celle de The Revenant, voire aussi chez Herzog pour l'incorporation de la Nature comme moteur du récit (Aguirre, Fitzcarraldo), la mégalomanie en moins.


Le parti-pris esthétique offre une immersion totale dans cette histoire qui parle finalement moins de vengeance que de survie dans ce monde où l'Homme n'a pas sa place. Car The Revenant conte avant tout l'histoire de Glass, un homme qui rampe, se faufile et piétine. Aussi érudit soit-il aux techniques de survie et de chasse, il n'aura jamais le dessus sur la Nature. Il ne fera jamais, tout au long du film, que tâcher de lui survivre. Et le grand vainqueur de cette épique aventure sera bien elle. Le sang dans la neige, les traces de bataille et de feu ou encore les messages que Glass écrit dans la neige... toutes les empreintes de l'Homme finiront par disparaître et la force inébranlable des lieux restera, elle, inchangée. Tirée d'une histoire vraie, Iñárritu grave dans la roche/sur la pellicule cette histoire de passagers, desservie par un jeu d'acteur exceptionnel de la part de Di Caprio et également de son double Tom Hardy, que l'on n'attendait pas forcément à un tel niveau. Une œuvre complète, crue et ambitieuse, aussi colossale que ses montagnes, aux confins d'un monde dont la beauté n'a d'égale que son hostilité, et qui envoie Le Dernier des Mohicans et autres Crocs Blancs directement aux oubliettes du récit d'aventure romancé.

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le 1 janv. 2016

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Fortynine Days

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