Confirmant un virage spectaculaire au niveau de l’ambition devenue démesurée de son auteur, The Revenant entre dans le club très fermé des légendes cinématographiques nées en milieu hostile. Un titre qu'il n'a pas volé, tant ses 2h30 d'immersion dans une Amérique cruellement froide et sauvage sont une expérience rare au cinéma.


Encore un film où le plus cynique des spectateurs ne peut que s'avouer vaincu. Entre une mise en scène très en avance dans ses cadres et ses plans séquences époustouflants, un jeu d'acteur monstrueux et un scénario bourré de symboles, The Revenant est un monument, une claque cinématographique qui mérite qu'on aille bien plus loin que la simple histoire de vengeance. On pourrait facilement limiter The Revenant à une longue et redondante épopée, à une démonstration de survie. Ce que le film est clairement, en quelque sorte. Pourtant, il y a chez Iñárritu, et ce depuis ses débuts, une volonté de mettre en lumière la nature profonde de l’être humain, de le mettre à nu, parfois littéralement, afin de capter son essence. The Revenant est une expérience tout à fait hors norme, un film « physique » et spirituel, mais qui n'est pas pour faire du bien au spectateur, bien au contraire. Le réalisateur cherche à le brutaliser de la même manière qu’il brutalise son héros, et ce dans l’instant, par la présence de scènes choc qui représentent de véritables agressions physiques, mais également sur la durée. Par une durée du long métrage plutôt conséquente, par la répétition au niveau de la narration, et par cette proximité constante avec le personnage incarné par un Leonardo DiCaprio en pleine transcendance. Il s’agit d’une expérience de survie pure et dure, d’une plongée viscérale dans une aventure instinctive et primale.


Et cette survie est représentée par une volonté de cadrage et de mise en scène absolument dingue, ce qui confirme d'ailleurs la dureté du tournage et la dureté des choix du réalisateur pour son équipe technique et ses acteurs. Il n'y a pas une seule lumière artificielle, chaque lumière est naturelle via le soleil doux et froid de cette Amérique sauvage. Ce génie d’Emmanuel Lubezki (le chef opérateur) a accompli un nouveau miracle, celui de livrer une image qui rappelle ses travaux pour Terrence Malick tout en proposant quelque chose de sauvage et d’animal qui semble jamais vu. Et à vrai dire, la qualité de cette lumière, qui dépasse à peu près tout ce qui a été fait au cinéma depuis des lustres, finit même par masquer les tours de force de la mise en scène, à base de plans séquences magnifiquement complexes, de plans impossibles, ou de cette utilisation du grand angle en contre-plongée créant une vive sensation d’étouffement et d'accentuation des émotions rêveuses. On est donc complètement bluffé par cette maîtrise technique que les plus cyniques cherchent toujours à justifier le fait que qu'Innaritu a cherché à faire ça juste pour dire "eh t'as vu ? je sais faire ça" mais la complexité des plans séquences révèle une accentuation de la pression du temps, de la douleur de chacun des personnages, et de cette symbolisation quasi omniprésente.


Et pas seulement dans les visions surréalistes peuplant les cauchemars de Hugh Glass. Il y a aussi une volonté de vouloir symboliser les deux piliers de l'Amérique, à savoir les pionniers pillant les natifs pour leur propre intérêt financier, et les pionniers cherchant à communier avec les natifs. Symbole représenté de manière somptueuse à la fin du film.


Bref, The Revenant est un très grand film. Même si tout n'est peut-être pas parfait (une ou deux scènes censés être intenses n'ont pas marché sur moi) c'est une expérience cinématographique rare et marquante, qui plonge le spectateur, l'humain dans ses retranchements les plus sauvages. Film porté par un casting incroyablec avec un Tom Hardy éblouissant en salopard, un Domhnall Gleeson au sommet de sa gloire, et un DiCaprio inhabituel, qui choque violemment. C’est d’une violence, d’une brutalité et d’une poésie qui n’a que peu d’équivalent.

Guimzee
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le 26 févr. 2016

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