Sublime = horreur délicieuse. C'est exactement le terme qui définirait ce film, à propos duquel il y a beaucoup de choses à dire. D'un point de vue esthétique d'une part, c'est incroyable. Les différents paysages, les différentes lumières, les différents plans que ce soit de l'eau qui coule d'un torrent, des branches des arbres qui bougent avec le vent (oui, il y a de nombreux plans d'arbres) : on sent une véritable admiration pour la nature dans ce film, mais également une volonté de montrer sa superiorité, son immensité captivante. La façon de filmer est très travaillée pour cet effet. Elle est originale et très réussie, ce n'est pas une façon de filmer classique, la caméra n'hésite pas à adopter différents points de vue, il y a une grande alternance entre gros plans, plans moyens et plans d'ensemble, nos yeux ne cessent de passer derrière des longues vues comme des loupes. Il y a donc une grande originalité dans la construction du film d'un point de vue technique, et une grande sensibilité du réalisateur visible dans le choix des plans naturels qu'il nous montre (tournés au Canada). Ce film est très contemplatif et photographique, mais paradoxalement, dans cette nature à la fois paisible et aride se cache la plus grande des violences, la guerre entre les hommes. Il ne faut pas être trop douillet pour aller voir ce film par contre, car la violence montrée est assez intense. Néanmoins elle n'est pas gratuite, et semble être au contraire une forme de dénonciation de ce que la nature abrite de plus extrême. La scène de bataille entre le grizzli (qui a tout d'un vrai animal) et Hugh Glass est spectaculaire et effroyable, je n'ai jamais vu une scène de duel aussi réussie entre un homme et un animal. Le réalisateur montre la cruauté entre les hommes et les animaux mais également la cruauté entre les hommes (en particulier avec la scène d'ouverture mais également lorsque Glass est laissé pour mort) et la cruauté entre les animaux (lorsqu'un bison se fait dévorer par une meute de loups, bien qu'on ne voit pas les détails, heureusement). La vision de l'homme n'est pas très positive dans ce film, il est vu comme un individu cruel et insensible, à quelques exceptions près, comme l'Indien que croise Glass qui va l'aider et le soigner. Mais ce type de personnage est rare, l'homme est presque rapproché de l'animal dans ce film, ils mangent d'ailleurs la même nourriture, ont le même mode de vie. Il y a une forme d'absurdité à voir des spectacles de cruauté et de souffrance dans une nature certes difficile mais d'une beauté époustouflante. D'un point de vue narratif, on ne s'ennuie pas, le film est bien ponctué entre temps faibles et temps forts, entre fascination et aversion. Glass est abandonné par son équipe et revient jusqu'à son camp dans le but de se venger de celui qui l'a abandonné et tué son fils, Fitzgerald, interprété avec brio par Tom Hardy. Quant à Leonardo Dicaprio, certains disent que ce n'est pas son meilleur rôle. De mon point de vue, il aurait pu avoir un Oscar pour bon nombre de ses rôles. Mais dans ce film en particulier, je l'ai trouvé absolument extraordinaire. Son personnage parle peu, mais son expressivité dépasse tout. Il est d'ailleurs d'autant plus difficile d'être remarquable lorsqu'on a peu de dialogues, et Dicaprio a rélevé le défi incontestablement.
Un très beau film que je conseille vivement, on ne voit pas passer les 2h30, que ce soit car nous sommes happés par la merveille des paysages canadiens, ou par les grandes scènes de combat très réalistes et sophistiquées, ou tout simplement par le jeu d'acteur de Dicaprio et l'empathie que l'on peut éprouver pour son personnage, plus humain que les autres. L'amour triomphe d'ailleurs dans ce film où il semble pourtant absent à première vue, lorsque Glass voit la femme qu'il aime et la mère de son enfant lors d'une vision onirique. Un cocktail sauvage, brutal, poignant, glacial et puissant, une belle expérience de cinéma.

EmmaBennet
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le 6 mars 2016

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