Bonjour... c'est pour dire que j'ai un rapport assez conflictuel avec The Rocky Horror Picture Show et que tout bien réfléchi, je trouve que c'est une comédie musicale assez moyenne.
Non, ne me jetez pas des pierres, il faut que je vous explique !
Une rencontre contrariée
Adolescent, j'étais tombé sur le film sur Arte alors que je m'ennuyais au deuxième étage de chez mes grands parents. Le Télérama le qualifiait "film culte" mais ça m'a vite déplu. J'ai zappé sur quelques scènes (l'apparition de Frank N. Furter, la création de Rocky et la mort d'Eddie, le moment où Janet couche avec Rocky) en me disant que c'était bien trop barré pour moi.
Avec le temps, j'ai vu quelques références à ce film dans la pop culture (et des reprises de certaines chansons) et je me dis que l'ado que j'étais n'étais pas bien patient et qu'il faudrait que je le revois. C'était en 2012, j'avais une trentaine d'année et les membres d'un ciné-club étudiants m'avaient proposés de venir à la soirée spéciale Rocky Horor Picture Show qu'ils organisaient. Je me dit "ok, c'est le moment"
Ce fut loin d'être une séance des plus agréable : J'ai perdu du temps à trouver le bâtiment et arrivé en retard, je me suis pointé au moment où Janet et Brad rentrent dans le manoir. Je peine à trouver une place pour m'asseoir, puis arrive la chanson "Let's do The Time Warps Again" et là... tout les gens autour de moi se lèvent et se mettent à danser. Une fois la chanson finie, des gens sur scènes se mettent à faire des blagues grossières pendant le film tandis que les gens autour de moi se mettaient à réciter les phrases du film par coeur.
J'avais l'impression d'être un type d'une tribu reculée (mettons un inuit) qui aurait décidé de découvrir le cinéma et serait tombé sur une séance d'un film Star Wars au milieu de gens costumés en Dark Vador qui récitent par coeur les dialogues. C'était le bordel, j'arrive pas à suivre parce que dès que ça parlait trop longtemps les animateurs (équipés de gode-ceinture) se mettaient à balancer des blagues et j'ai le souvenir de ne pas avoir compris grand chose du film, mis à part, que ça chante beaucoup et que c'est méga "Camp". (Nota : les fans du Rocky Horror Picture Show appellent les gens comme moi des "vierges" ... super. Grandissez.)
L'autre jour, suite à une discussion autour du personnage d'Ivankov dans One Piece (qui est une caricature de Frank N' Furter) je m'aperçois que ma compagne ignore tout du Rocky Horror Picture Show. Le film se trouvant sur Disney+ je me suis dit que c'était peut-être l'occasion de faire la paix avec ce film et de le voir à tête reposer. Et j'ai trouvé ça... "ok-tiers"
C'est vrai que c'est paradoxal, autant j'aime dire que j'adore les salles vivantes et les gens qui participent à un film... autant là, c'était trop. Je déconseille globalement à quiconque veuille découvrir ce film dans ces conditions. En plus rajouter des gags de cul à un film déjà pas très fin (et insulter le personnage de Janet de "pute" limite dès qu'elle ouvre la bouche) ça me donne l'impression d'assister à un spectacle de Bigard... mais en plus grossier.
Une pierre angulaire de la culture queer
Oui, je suis désolé, mais, oui, le Rocky Horror Picture Show, c'est pas très fin. C'est littéralement la reprise des clichés des films d'horreurs mais avec du cul et une patine "ULTRA QUEER + + +." C'est l'histoire basique d'un jeune couple qui frappe à une maison hantée au milieu de la nuit, sauf qu'au lieu de mourir ou de se faire torturer... ils se font littéralement baiser. (Et découvre leur bisexualité pourtant bien enfouie, cool pour eux.)
Le film a des bons points que je ne renie pas. A tête reposée, je trouve la réalisation inventive. Il fallait adapter la comédie musicale depuis les planches vers le cinéma et il y a des choix de mise en scène vraiment malins, notamment l'insertion du narrateur DANS le récit, ou fait de placer les chanteurs dans des endroits stratégiques pour que ça soit logique de les voir chanter (comme commenter les turpitudes de Janet devant leur écran pour la chanson "Touch-A, Touch-A, Touch Me") Mieux, ils arrivent à retourner le manque de budget en une esthétique criarde très assumée (notamment le fait de faire passer un comédien à travers le décors parce qu'une porte n'avait pas été construite) et c'est rempli des effets de transitions qui rajoute à la fois au côté "série b" et au côté "comédie musicale" C'est coloré, c'est plein d'imageries dingues et c'est difficile de rester indifférent devant ce spectacle.
HA, et Tim Curry crève l'écran. Chaque plan où apparait Frank, celui-ci transpire un mélange de malice, de fierté et d'indécence. Il jubile vraiment (même s'il regrettera après, ayant peur d'être catégorisé... la suite prouvera qu'il ne s'est pas cantonné à ce rôle.)
Et puis, il y a le côté queer, qui fait que j'ai un bon nombre d'amis venus de la communauté LGBT pour qui ce film est l'alpha et l'omega. Et évidemment, sachant que le film approche de ses cinquante ans, on va pas renier que ce fut perçu par certains comme une façon de mettre en avant leur communauté.
... Quoique, il ne faut pas oublier que le film et le spectacle ont été intégralement écrit et créé puis réalisé par un homme qui se considérait à l'époque hétérosexuel et qu'il reflète bien la vision des homosexuels il y a 50 ans, c'est à dire celle de "marginaux marrants." (Littéralement des aliens.)
On est en plein dans ce côté "carnaval festif" que la communauté gay renvoyait à l'époque : on est en pleine période Disco, les membres du groupe Village People font croire qu'ils sont gays afin de vendre des disques et les cabarets tenus par des homosexuels vont être considérés comme les lieux branchés où s'éclater. En fait, c'est limite tellement attendu, que je ne serais pas étonné que le film n'ai pas si choqué que ça (il est au départ sorti dans une relative indifférence.) Il est complètement daté dans ce qu'il raconte et c'est pas si étonnant si les gens ont confondus "travestissement" et "transidentité" pendant des décennies.
Et puis c'est bordélique !
Et maintenant que j'ai pu suivre le film du début à la fin, je m'aperçois que si je ne l'avais pas aimé adolescent et qu'il m'avait perdu adulte, c'est parce que les conditions de visionnages étaient mauvaise. C'est parce que le film est mal écrit.
C'est particulièrement vrai avec toute l'intrigue concernant Eddy, où celui-ci débarque comme un cheveux sur la soupe, chante et se fait buter. A un moment je pensais que c'était une métaphore du rock n'roll ringard qui doit mourir face au glam rock de Frank... mais j'ai appris en lisant wikipédia qu'Eddy serait un ancien amant de Frank. Et comme souvent si un film est rendu compréhensible par la lecture de détails sur internet, c'est compliqué. C'est comme s'il manquait des dialogues et que le film semblait y pallier en utilisant des chansons, sauf que parfois ça n'a pas trop de sens et qu'on ne sait même plus si on est sur du concret ou de la métaphore.
Et parlons-en des chansons. Moi qui aime bien les comédies musicales, c'est l'une des rares où j'ai du mal à en écouter la bande son. En dehors de quelques bangers ("Time Warp Again" "Sweet Travestite" "Touch A Me, Touch a Me") il y a bien 3/4 des chansons avec lesquelles je n'accroche pas, que je trouve disonnante ou qui arrivent comme un cheveu sur la soupe. Parfois, je ne comprends même pas le sens des paroles : la première chanson que chante Rocky après être littéralement né, c'est une métaphore sur la gueule de bois. Mouaif.
En fait, passé le début qui est ultra-festif et qui aligne des tas de dingueries, le film se perd avec l'arrivé du professeur Denton. L'histoire prend un sérieux coup de mou, je ne comprends plus les motivations des personnages, le passage avec les transformations en statue est pas spécialement intéressant. Ça explique aussi pourquoi tous les "tubes" sont collés les uns aux autres dans la première heure du film.
Et puis, je sais que c'est un film sur les clichés des séries B ...
.... mais l'histoire d'aliens est insérée au forceps. Elle permet juste de finir le film sans que ça n'apporte rien (ça serait des visiteurs venus d'un pays lointain comme dit au début, le film serait exactement le même.)
Ce qui est dingue, c'est que malgré tout les problèmes que je trouve à ce film... au final, je recommande quand même son visionnage, ne serait-ce que pour comprendre la place énorme qu'il prend dans la culture cinématographique. Et puis "Let's do the time warp again."