Tellement putain de collector

On pourra dire ce qu'on veut: "The Room" est unique.
C'est le seul film au monde où, en ces années 2000, l'homme se croit obligé d'amener des roses pour baiser avec sa chérie.
C'est le seul film au monde où les personnages vont et viennent, sans raison la plupart du temps, dans la baraque de Johnny comme dans un moulin (le pire c'est que Wiseau en a conscience, puisqu'il le fait dire au personnage de la mère dans une réplique !).
C'est le seul film au monde où on voit un homme faire l'amour sur le nombril de sa femme (pour 3 scènes de sexe en 20 minutes, toutes aussi sexy qu'Isabelle Huppert sous LSD).
C'est le seul film au monde où les dialogues sont divisés entre les "Je T'aime", les "Je l'aime plus" et, bien sûr, les "Oh Hi ... !".
C'est le seul film où on s'en bat les steaks de ses propres intrigues secondaires : le cancer de la mère ? La situation financière de Johnny c'est plus important ! L'histoire de drogue ? C'était pour dire que Denny pouvait se droguer.
C'est le seul film au monde (enfin là j'ai quelques doutes) où un personnage est totalement écarté de l'histoire sans aucune raison explicable (le type à lunettes, dont la seule information qu'on a sur lui est qu'il est psy).
C'est le seul film au monde où les fleuristes balancent "Tu es mon client préféré!" à un mec qui leur tourne le dos.
C'est le seul film au monde où il s'écoule littéralement 45 secondes où on voit des clients commander leur café, sans que ça n'ait aucun putain de rapport avec l'histoire.
C'est le seul film au monde où des scènes sont filmées en travers des barreaux (soit le lit soit l'escalier, les deux décors les plus utilisés du film), pour un rendu flou la plupart du temps. La colorimétrie, très "sitcom" comme son générique déjà invraisemblable, ajoute un côté ringard post-années 90.
C'est le seul film au monde où le protagoniste prend littéralement 1 h 30 à comprendre quelque chose que tout le monde a compris depuis le début (soit qu'il est cocu), alors qu'il a accumulé les preuves, notamment en l'entendant le dire par elle-même : non, il faut un message téléphonique enregistré pour qu'il se le foute enfin dans le crâne.
C'est le seul film au monde où une réplique telle que "Tu m'écartèle, Lisa !" devient ridicule. Ce mec pourrait même dire "Allez tous vous faire foutre, je vous hais tous, vous m'avez tous trahis !" que ça serait hilarant aussi. Oh pardon, il l'a fait.
C'est le seul film au monde où on joue au football américain en costard, où l'on peut trébucher sur... rien, et mériter pour cet acte héroïque l'arrêt du jeu pour un repos bien mérité. Ah, et faut discuter aussi en même temps, avec la pire post-synchronisation possible.
C'est le seul film au monde où on peut voir un réalisateur s'auto-sucer à ce point : ça cause fric, ça cause "qu'il est bon ce Johnny", et pour faire la victime y'a du monde aussi... Impossible de ne pas y voir un autoportrait.
C'est le seul film au monde où deux mecs se bagarrent, puis se disent "Pardon", puis recommence au bout de 2 minutes, suite à la provocation insensé d'une imitation ratée de poule. Moi aussi j'aurais pas aimé.
C'est le seul film au monde où on se marre quand on raconte une histoire de fillette violée.
La liste est encore longue: tout est collector dans ce film, et pour bien comprendre dans quelle optique il a du être envisagé, je vous renvoie au Fossoyeur du Film sur le sujet (plus que Nostalgia Critic, qui est finalement un Razzy Awards à lui tout seul). Mais, plus que les acteurs, plus que l'histoire, moi ce sont les dialogues que j'ai trouvé aberrants. Particulièrement un passage: Donny, le p'tit gars qu'on dit attardé (pourtant c'est le mec le plus intelligent du film, enfin bon passons), avoue à Johnny (visiblement en état de défonce) qu'il est tombé amoureux de sa chérie. Voici la réponse que ça lui inspire : " Denny, ne t'en fais pas pour ça. Lisa t'aime aussi, en tant que personne. En tant qu'être humain, en tant qu'amie. Tu sais, les gens n'ont pas à le dire. Ils peuvent le sentir. Tu peux aimer quelqu'un au plus profond de ton cœur, et il n'y a pas de mal à ça. Si beaucoup de gens s'aimaient, le monde serait bien meilleur. Ne t'inquiète pas pour ça: tu fais parti de notre famille, et on t'aime beaucoup.
Ce mec est extraordinaire ! C'est hallucinant à tel point ça n'a aucun sens !
Comme d'autres vous l'ont dit, faut le voir pour le croire. Avec des amis, humains comme alcoolisés. Plus drôle que la plupart des comédies qui sortent chaque années, repoussant les limites de l'absurde régulièrement, c'est un régal. En tout cas quand on l'accepte de le prendre comme tel, parce que sinon, en le prenant au sérieux, il devient un film non seulement nul jusqu'à l'ennui, mais en plus très prétentieux.