"Je cherche une chambre, petite, mais spacieuse..."
Pour savoir si regarder ce film vaut le coup ou non, il existe une méthode très simple : regardez le premier plan. S'il vous insupporte, alors stoppez le massacre tout de suite, à regarder la suite, vous risqueriez la catalepsie. S'il vous ennuie - c'est normal - tout en vous intrigant, ça peut valoir le coup d'insister, à condition d'être en forme et bien disposé. Si vous êtes déjà persuadé de vous trouver face à un chef d'oeuvre japonais méconnu, alors soyez prudent pour la suite : vous risqueriez un orgasme - c'est salissant.
Parce que The Room, c'est certes une affaire d'espace, mais aussi de durée. Les deux premiers plans font 6 minutes à eux deux. Et il ne se passe pas grand chose, c'est le moins que l'on puisse dire : on voit un type qui s'assoit sur un banc. Si cette épreuve ne suffit pas, il y a le générique, un truc plus lent que lent, ça en devient surréaliste, un truc au-delà des mots. C'est vide.
A la base du film, une idée, une simple idée poétique : la recherche de la pièce parfaite. Avant de faire des films, Sion s'était fait remarquer pour ses poèmes. La quête de perfection se retrouve très régulièrement dans ses œuvres : ici, à travers un sentiment de plénitude absolu, que le personnage principal idéalise et recherche en même temps qu'il visite les différents appartements.
Cette quête est placée sous le signe de la torpeur. Sion épure son film au maximum, uniquement 2 personnages sont présents pendant la quasi-totalité du métrage. Il étire les plans au-delà de toutes limites, comme je l'ai dit. D'une part, ça reflète le vide existentiel du personnage principal. D'autres part, ça permet à Sion d'expérimenter, de chercher son style qui est encore, à l'époque, en construction. Et lorsqu'il tente une approche, il s'y plonge à fond, c'est du radical, attention.
Donc voilà, ici c'est l'épure. Et le soin visuel. Parce que The Room est beau. Diablement beau. De loin le meilleur travail du réalisateur sur ce plan. Tout en géométrie - et le choix du noir & blanc accentue encore cet aspect. Tout en plans fixes, aussi. L'espace est divisé, fragmenté, à l'image des pièces visitées - notons au passage un énorme travail sur les ambiances sonores. Il n'y aura qu'un seul mouvement de caméra, à un moment décisif - là-aussi, d'ailleurs, ce mouvement est étiré au-delà de toute limite. Alors oui, forcément, c'est statique. C'est un parti-pris, on y adhère ou pas. Ça a le mérite d'être fait sans concession.
Sans viser tout à fait les mêmes extrêmes que "I am Sono Sion!!", ce film, tout comme le court précité, s'avère à la fois fascinant et insupportable. C'est du cinéma minimaliste, presque un genre à lui tout seul : personnages minimalistes, intrigue minimaliste, structure minimaliste... Avec en plus un côté volontairement obscur qui n'aide pas à rentrer dedans, pour être honnête. C'est à la limite de la parodie, mais il y a une poésie, une douce mélancolie qui parcourt le film et qui peut permettre d'accrocher malgré tout. Mais ça n'est pas gagné d'avance. A vous de voir.