Oh hi Movie, I did not know it was you !
The Room, c'est un de ces films uniques, d'un genre qui est beaucoup moins répandu qu'auparavant : le nanar. Et attention, pas navet hein, nanar, les films tellement mal foutus qu'ils en sont hilarants. Faire un bon nanar de nos jours, c'est beaucoup plus rare, contrairement à il y a plusieurs décennies : les coûts de réalisation ont augmenté, la majorité des acteurs sont au pire ennuyeux, le matériel est moins cher ... Bref, pour réussir dans cette tâche difficile, il faut généralement un staff de folie : acteurs à la ramasse, réalisateur incompétent, scénariste sous acide ... Ca tombe bien, dans The Room, tout est assuré par la même personne : le (très) grand Tommy Wiseau.
The Room raconte l'histoire de Johnny (joué par Tommy Wiseau), un mec travaillant dans une banque où "ses idées permettent à son employeur d'économiser beaucoup d'argent (?)", et qui attend une promotion. Il est fou amoureux de sa fiancé Lisa, qui ne fait pas grand chose de la journée à part avoir les mêmes conversations avec sa mère éternellement. Cependant, si Johnny est amoureux, Lisa n'a plus vraiment les mêmes sentiments. Entre en scène Marc ("Oh hi Marc !"), le meilleur ami de Johnny. Lisa veut (et va) coucher avec Marc, mais ce dernier est torturé entre son amitié pour Johnny et ses sentiments pour Lisa. En plus de cette "intrigue" principale, The Room nous conte aussi l'histoire de plusieurs personnages secondaires : Claudette, la mère de Lisa, qui s'inquiète de la conduite de sa fille (elle le répète au cours de 4 scènes différentes avec les mêmes dialogues), et qui a accessoirement le cancer du sein. Denny, le, heu, fils adoptif (?), de Johnny, accessoirement pervers sexuel et dealer de drogue. Mike, dont le fétiche sexuel semble être d'aller faire l'amour dans la maison des autres, et d'égarer son caleçon. Et encore je ne vais pas tous vous les citer. Toutes ces intrigues peuvent laisser supposer que The Room a un scénario dense et compliqué. Ne vous inquiétez pas ! Toutes ces intrigues sont aussi vite oubliées qu'elles ne sont introduites. Cela donne un scénario alambiqué, où on l'on regarde avec fascination une sorte de suite de sketch joué par des acteurs au sommet de leur art.
Car si le scénario laisse présager d'un chef d'oeuvre, c'est bien nos interprètes qui amènent le film au sommet. Et si l'ensemble du cast a su se mettre au niveau, c'est surtout la performance de Tommy Wiseau qui époustoufle. Le premier truc qui choque, c'est son accent : de nombreux débats existent pour déterminer son origine. Les anglophones vous diront que c'est un accent français. Les français refileront la parenté aux Européens de l'Est, et ainsi de suite. A priori, Tommy est né en Nouvelle Orléans, et a habité pendant un moment à Paris, et a souvent voyagé en Europe. On peut donc en déduire que son accent est celui d'un citoyen du monde, et ça c'est beau. Bref, une fois le premier choc de l'accent, vient la vraie révélation : Tommy ne sait pas jouer. Il a beau craché tout ce qu'il a dans les tripes, rien à faire. Les scènes où son personnage s'énerve sont d'ailleurs légendaires : il faut admirer la conviction et la rage avec laquelle il explique ne pas avoir frappé Lisa ("I did not hit her, that's not true, it's bullshit ! I did not hit her, I DID NAAAAWT ... Oh hi Marc"). Il faut aussi souligner l'importance de ces tics de langage : sa manie de dire "Oh hi" pour saluer, de ponctuer ses fins de phrase par un "Haaaan", son rire particulier.
Si je m'extasie devant la performance de Tommy, les autres acteurs ne sont pas en reste, chacun dans des registres très différents, le tout étant magnifié par des dialogues surréalistes, comme la célèbre scène de l'achat d'un bouquet de fleurs, où les lignes semblent être délivrées dans le désordre :
Johnny : "Can I have a dozen red roses, please ?"
Vendeuse : "Oh hi Johnny I did not know it was you." *va chercher les fleurs* "Here you go !"
Johnny : "That's me ! How much is it ?"
Vendeuse : "It will be eighteen dollars."
Johnny : "Here go, keep the change, hi doggy !" *caresse le chien et se dirige vers l'entrée du magasin (le meilleur acteur du film d'ailleurs, et le plus énigmatique aussi)*
Vendeuse : "You're my favorite customer !"
Johnny : "Thanks a lot, bye !"
Du dialogue comme on en fait plus.
Je pourrai parler des heures et décortiquer chaque scène pour pointer ce qui ne va pas. Si vous aimez un tant soi peu les nanars, il faut regarder The Room (en VO, je ne sais même pas si une VF existe d'ailleurs). Une telle qualité dans la comédie non recherchée est rare, surtout de nos jours. A voir et à revoir indéfiniment (on attend toujours les diffusions en salle en France d'ailleurs !).
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