Je n’arrive toujours pas à croire que j’aie pu me laisser entraîner dans cette sordide affaire. Pensez donc : Jack Ryan, le héros clancynien lambda (oxymore ?) par excellence, le genre de héros à se faire tatouer « ‘Merica, fuck yeah » sur la fesse gauche, interprété par Chris Pine, un des acteurs les plus antipathiques de ces dernières années à mon goût, et mis en scène par Kenneth ‘Thor’ Brannagh (est ouverte, ah ah ah, cette blague est limite plus intelligente que le film, ça vous donne une idée du niveau). Cerise sur le kugelhof, Sir Brannagh ne se contente pas de réaliser son film, il se permet aussi d’y jouer un méchant russe à l’accent comme souvent très subtil. Tous les signaux étaient donc au rouge vermillon pour que je me tienne le plus éloigné possible de cet objet filmique manifestement mauvais pour ma santé mentale.

Croyez-le ou non, je suis tout de même allé le voir (oui remarquez je n’en parlerais pas ici dans le cas contraire) ; à ma décharge, j’étais accompagné, les intérêts du groupe passent avant les intérêts personnels, et vues les températures extérieures j’étais de toute façon enclin à entrer dans n’importe quelle salle tant que celle-ci était équipée d’air conditionné. Je sais, cela n’excuse rien, mais j’essaye de remettre les choses en contexte. Donc en fait ce film c’est le deuxième épisode de la grande épopée de Kenneth Brannagh, avant tout acteur que l’on croyait classe, smart, distingué, british quoi, et qui du jour au lendemain après un mauvais champignon s’est décidé de saborder sa carrière en devenant réalisateur à Hollywood. Notez que cela aurait pu être pire, il aurait pu devenir producteur à Hollywood. Après un Thor dont l’unique souvenir que je garde est celui d’un spirographe rempli de dégueuli, le bougre s’est décidé à poursuivre sa descente aux enfers avec une adaptation du plus flamboyant des héros américains (derrière Chuck Norris), j’ai nommé Jack Ryan. Jack Ryan, pour ceux qui ne le connaissent pas, c’est le François Pignon de la bannière étoilée, le gars lambda au boulot lambda auquel le spectateur lambda est censé s’identifier, qui embrasse sa femme avant de partir au boulot le matin, et qui généralement se retrouve à établir un régime démocratique au Moyen-Orient pour le déjeuner, survivre à une explosion nucléaire pour le goûter et enfin sauver le monde libre de la menace terroriste avant de rentrer pour le dîner. Des trucs d’américain lambda quoi.

La grande nouveauté ici est qu’il est largement admis que Jack Ryan possède une vie de famille (plus ou moins exemplaire selon les épisodes), donc pourquoi ne pas faire intervenir sa femme dans l’intrigue ? Je ne sais pas, pour éviter de rendre Keira Knightley exaspérante par exemple ? Ou alors pourquoi ne pas la remplacer par Rooney Mara et renommer le film ‘Catherine Ryan: the Boy Stays at Home’ ? En dehors de cette nouveauté qui vise avant tout à démontrer qu’une femme peut continuer à être une cruche même une fois sortie de sa cuisine, le film n’a strictement rien à dire, c’est creux et je me demande même comment et pourquoi je continue à en parler vu qu’il y a si peu de choses à retenir. Voyons voir : Kevin Costner a encore le truc, je n’irai pas jusqu’à dire qu’il sauve le film mais ça fait au moins un bon point. C’est un peu plus distingué que XxX (mais guère plus intelligent), donc ça fait un deuxième bon point… j’imagine. Et enfin, ça va parfois tellement loin dans le ridicule que le film en devient malgré lui divertissant. Va pour trois points, mais vraiment parce que je suis dans un bon jour.

Parce qu’à certains moments du long-métrage j’ai tout de même ressenti la vive envie de rechercher les adresses des membres de l’équipe technique dans le bottin et d’aller personnellement les étrangler les uns après les autres. Seule la lumière tire un peu son épingle du jeu, du reste celle-ci est complètement gâchée par une photographie quelconque, une mise en scène surexcitée (on évite les ralentis accélérés, c’est déjà ça), un montage bourré d’incohérences… Et encore, je n’ai abordé que l’aspect visuel, il y a aussi beaucoup de choses à ne pas dire sur le son. Les interprétations sont à l’unisson, entre la courgette qui sert de protagoniste et sa femme exaspérante, on doit aussi se taper deux heures de Kenneth Brannagh avec un accent russe sans pouffer. Costner délivre la même interprétation que dans la plupart de ses rôles orientés ‘action’, mais vu que ça reste relativement convaincant malgré son âge avancé on lui pardonnera.

Y a-t-il quelque chose à sauver de ce film ? Oui et non, ça reste malgré tout la même merde patriotico-américano-centriste dont on nous abreuve à longueur d’année, mais celle-ci a le mérite d’être un peu plus stupide que la moyenne, tout en se prenant au sérieux, c’est donc relativement intéressant et même parfois très drôle si vous êtes bien accompagné(e) et dans le bon état d’esprit. Difficile ceci dit de vous recommander de perdre votre temps et votre argent là-dessus alors qu’il y a tant de vrais bons films à voir à l’affiche. Sir Brannagh, vous resterez quoiqu’il arrive une énigme pour moi.
HarmonySly
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le 17 janv. 2014

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