의형제 / Secret Reunion (Jang Hoon, Corée du Sud, 2010, 1h57)

Sur l’échiquier géopolitique international, la péninsule coréenne fait aujourd’hui office d’exception. Il s’agit en effet du dernier ‘’pays’’ divisés, avec au nord un régime communiste, s’alimentant sur les ruines d’un stalinisme à la sauce asiatique, et au sud une société capitaliste devenue l’une des plus modernes et des plus riches de la planète.


Forcément, cette division à un impact fondamental sur l’évolution des deux pays, et c’est au quotidien que le poids de cette scission pèse sur le sud. Il n’est donc pas rare, et même plutôt fréquent que cette particularité serve d’inspiration a l’industrie cinématographique. En effet, les relations nord/sud fournissent un réservoir allégrement exploité par la fiction, d’autant plus que les tensions sont encore très présentes.


Inspirant par cette thématique, la seconde réalisation Jang Hoon vient s’intéresser à l’absurdité qui sépare les deux pays, quand tout indique qu’il ne devrait constituer qu’une seule et même nation. Afin de développer son propos il prend appui sur deux protagonistes, Song Ji-won, un espion nord-coréen, et Lee Han-gyoo, un agent des services secret du Sud.


Ji-won a pour mission d’assassiner un cousin de Kim Jong-il, accusé de trahison par le régime de Pyongyang. Mais l’affaire se passe mal et trahis par l’un des siens, il se retrouve au milieu d’une machination dans laquelle il devient à la fois la cible des agents du Nord et du Sud. Quand à Han-gyoo, son tempérament et sa précipitation aboutissent à l’échec de la mission, le cousin est tué, et lui il est remercié.


Six ans se passe et Lee Han-gyoo, devenu détective privé, s’est spécialisé dans la fugues de fiancées. Quand à Song Ji-won, il est resté illégalement dans le Sud, où il travaille désormais dans le bâtiment. Le hasard fait que les deux hommes se recroisent. Bien qu’ils se reconnaissent, ils font mine que non. Han-gyoo propose alors à Ji-won de bosser pour lui, et l’invite même à partager son logement pour le surveiller de plus prêt. Cependant, tous deux ignorent que l’un comme l’autre ne sont plus les agents qu’ils étaient.


Voilà pour ce qui est du point de départ de ‘’Ui-hyeong-je’’, qui peut se traduire par ‘’Frère Aîné’’ ou ‘’Grand Frère’’, qui est une marque de respect employé par un subordonné pour son supérieur. Rempli de quiproquos et de situations qui en invoque presque au vaudeville, le métrage de Jang Hoon s’avère être avant tout une réflexion assez aboutie, et surtout très riche, sur les disparités entre les deux nations coréennes.


Ses deux personnages, que tout oppose dans leurs convictions, leurs attitudes et leurs modes de vie, peinent à se faire confiance. Cependant, à mesure qu’ils s’apprivoisent, apparaît un lien plutôt fort, celui d’une amitié concrète mais contre nature, au vu de leurs origines. Et c’est cet aspect de la relation qui intéresse particulièrement le cinéaste, qui se permet par là même de pointer du doigt l’aberration représentée par la division.


Actioner, thriller, comédie, à la fois drôle, mais aussi tragique, observant minutieusement les mœurs de son pays, c’est par le regard nordiste de Ji-won que Jang Hoon livre une analyse acerbe de son pays. Sans tomber dans la critique outrancière, c’est avec mesure qu’il dresse le portrait de ses contemporains, non sans humour et avec une certaine forme de tendresse.


Si le rythme de l’ensemble se cale sur le genre de l’action, avec une bonne dose de suspens, le mélange des genres permet de ne jamais s’ennuyer. L’intrigue s’aventurant sans cesse dans l’inattendu. En gérant particulièrement bien l’adaptation de la personnalité des deux personnages principaux, qui jouent un double, voir un triple, jeu.


Telle une petite lucarne sur le quotidien des Coréens, ‘’Ui-hyeong-je’’ se fait également témoin des relations entre classe. Hang-jyoo est un ancien agent gouvernemental, issu d’un milieu confortable, qui avec son renvoi s’abaisse sur l’échelle sociale. Sa femme l’a quitté, et il vit désormais dans un petit appartement, et il est méprisé par ses anciens collègues.


Quant à Ji-won, il subsiste tout en bas des classes sociales. En tant qu’ouvrier, sa situation lui permet d’évoluer sous le radar, en tant qu’illégal sur le territoire. Une manière de présenter la facilité avec laquelle le milieu du bâtiment se satisfait de l’exploitation de migrants sans le sou, à bas coûts. Les problèmes de corruption en Corée du Sud sont bien connus, et souvent abordés dans la production cinématographique.


Œuvre sympathique, drôle et réflexive, permettant d’en apprendre un peu plus sur la société coréenne, le public ne s’y est pas trompé lors de sa sortie en salle, puisque plus de 5 million de tickets se sont écoulés. ‘’Ui-hyeong-je’’ fût ainsi le second plus grand succès de l’année 2010, lui permettant de figurer aujourd’hui dans le top 50 des plus grands succès de l’industrie cinématographique du pays du Matin Calme.


Avecn cette seconde réalisation particulièrement aboutie, Jang Hoon approfondi les thématiques abordée dans ‘’Rough Cut’’ en 2008, qui jouaient cependant dans une autre ligue, plus conceptuel. Le cinéaste fait ici son entrée dans un style de cinéma plus ‘’concret’’, qui sans tomber dans la satire sociale où le drame sociétal, propose une vision distancée de la société coréenne, en empruntant au film d’action et au thriller, pour un résultat rondement mené et des plus captivants.


-Stork._

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le 9 mai 2020

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