Quatrième visionnage de celui-là, et non seulement je l'apprécie toujours autant, mais je continue de le redécouvrir. Faut dire que ma manière d'apprécier les films a bien changé depuis mes premiers visionnages. Quand je l'ai vu au cinéma, j'avais adoré mais sans être capable d'expliquer pourquoi. Je pense que la patte Fincher joue beaucoup : il sait filmer de manière à nous donner envie de suivre ses histoires, il sait donner une patate à son montage et il fait appel à de bons compositeurs, il y a tout pour nous accrocher à une histoire qui aurait très facilement pu être d'un académisme barbant. Avec en plus le sens des répliques d'Aaron Sorkin, l'un des rares scénaristes qui puisse être cité dans les campagnes marketing, cette ascension de ce Mark Zuckerberg fictif devient passionnante.
Mais si j'avais su apprécier ce rythme parfait, j'avais bien du mal à mettre des mots sur le fond de l'oeuvre. Je constatais que la vie étudiante qui y était décrite ne ressemblait pas à celle que que je connaissais, le décalage culturel entre les USA et la France étant plus grand que je ne l'imaginais. Et c'est en fait ce décalage qui m'a intrigué : les personnages sont des foutus péteux. Ils regardent tout le monde de haut, traitent les autres de condescendants quand on leur rappelle les règles de politesse et affichent un mépris ahurissant envers ceux qui appartiennent à un club moins prestigieux que le leur. C'est toute l'arrogance de l'Amérique entrepreneuriale qu'on voit, ici présente chez des gens qui n'ont même pas quitté l'école mais qui se vautrent déjà dans une suffisance insupportable entre deux fêtes aux relents d'orgie. Cette séparation en classes dont l'appartenance peut se défaire sur une réputation fragile n'est pas seulement le portrait de la jeunesse occidentale, elle est aussi un portrait des requins actuels du monde du travail. Un monde où ceux qui se croyaient au dessus de tout peuvent être soudain mis à mal par un challenger qui troque l'amabilité pour l'ambition (même si Mark est antipathique, ça fait bien plaisir de voir ces péteux remis à leur place). Où la décence est facultative quand on a la reconnaissance. Est-ce pour cela que cette dernière est autant recherchée par tous les personnages du film, encore plus que l'argent ? Est-ce de là que viennent les systèmes de like et de compteur d'abonnés, prompts à flatter l'ego en quantifiant l'importance que nous accordent les gens ?
Bien sûr il y a tout un texte qu'on pourrait pondre sur la virtualisation de la société, mais d'autres ont fait bien mieux que moi à ce sujet et je ne vais pas répéter ce que l'on sait déjà. Je mentionnerais juste que ça commence à faire beaucoup de thèmes, pas mal pour ce qui aurait pu n'être qu'une simple biographie d'une personne pour qui je n'ai pas d'intérêt particulier. Par contre il faudra prendre ce film pour une fiction, ne vous faites pas de fausse opinion sur les vraies personnes.