Je suis roux et j'ai les oreilles qui se décollent, mais on fait un film sur moi!

"Et toute ta vie tu penseras que les filles ne t'aiment pas parce que tu es un nerd, mais tu te trompes: c'est parce que t'es un sale con."

La sentence tombe comme un couperet: à peine le temps de se repentir de sa condescendance envers sa petite amie, Erica, et voilà Mark Zuckerberg célibataire, laissé pour compte dans un bar branché du campus d'Harvard.

Inutile dés lors de révéler comment, de fil en aiguille, Facebook naîtra de ce dépit amoureux: ce serait ôter au long-métrage de David Fincher le peu de suspens qu'il lui reste. Car The Social Network est totalement prévisible, de bout en bout, à l'image de la saisissante scène d'introduction sus-cité, dont la structure sera interminablement démultipliée (c'est là toute la virtuosité du scénario et de la mise en scène), avant de se refermer sur elle-même, dans une dernière scène présentant le réseau social, réceptacle de passion, a la fois comme le phoenix et le némésis de son concepteur: et la boucle est bouclée.

C'est faire trop d'égards pour peu de choses, diront certains. Certes, mais la tentation est trop grande: "Je pars du principe que 80 pourcents de ces déclarations sont exagérées." Dira une jeune juriste, petite voie morale du spectateur, au sujet des négociations surréalistes auxquels The Social Network permet d'assister. Mais l'idée se vérifie aussi à plus large échelle: le film de David Fincher ressemble ainsi à un collier de perles de clichés à gerber sur les moeurs de l'élite étudiante, maintenu fragilement, comme le pont du roi Saint-Louis, par les effluves de la période Zodiaque du cinéaste. Ainsi, ça danse, ça chante, ça baise, apparemment (mais pas de bout de sein à l'horizon), ça joue à la playstation et ça vandalise les cheminées, le tout dans un joyeux quiproquo de réglements de comptes et de dilutions d'actions, sous couvert d'épure visuelle.

Tout ça pour quoi? Une réalité fantasmée, mais cinégénique, incarnée par la fascinante tête de vainqueur de Jessie Eisemberg, sur fond de trahison et de jalousie perverse. Que du très classique, à terme (on ne répètera jamais assez que David Fincher n'invente rien, mais le fait bien), et rien de plus qu'un vertigineux tour de force mêlant drame, comédie, théorie informatique et thriller. Et une question: mais The Social Network, c'est quoi? Une bouleversante histoire de trahison? Comment devenir milliardaire en dix leçons? Un petit guide des moeurs d'Harvard? Ou un peu tout ça et rien à la fois?
ClémentRL
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le 12 avr. 2011

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