Le cinéma russe commence à reprendre un nouveau souffle sur le marché international. Toujours sous l'angle du DTV, voilà que nous commençons à voir arriver régulièrement quelques projets de divertissement venant de la mère patrie. Très régulièrement, des navets qui compilent 2-3 idées rafraichissantes (le raide 23 minutes, le passable La fiancée, le raté mais amusant Viy...). Mais voilà qu'on débloque du pognon en haut lieu (le fond russe pour le cinéma, merci Vladou !) pour nous offrir du gros budget à la démesure des évènements glorieux qui ont marqué l'histoire russe (et donc pas seulement l'histoire communiste, la réhabilitation des tsars et de la chrétienté orthodoxe plaidant pour une mise en valeur de chaque époque, en dehors de toute idéologie extérieure à la fierté nationale). Et quoi donc de plus approprié que de revenir sur les exploits techniques russes de la course spatiale...
Ce film a été tourné en duo avec le film Salyut 7, autre film traitant de la course spatiale, revenant sur un grave incident d'une mini-station en orbite ayant nécessité une opération de sauvetage plutôt risquée. On reconnaîtra d'ailleurs des lieux de tournages comuns aux deux films, mais globalement, des efforts ont été fait pour ne pas que les deux copies se ressemblent. La réponse russe à Gravity nous arrive donc quatre ans après le strike américain, mais tout de même, cela fait du bien, et on peut se féliciter de plusieurs choix opérés par le réalisateur. Le premier est celui de la hard science. Cela me fait un peu tiquer d'admettre cela, mais ici, l'immersion est plutôt réussie, et le film essaye de traiter avec honnêteté des enjeux politiques associé au projet, qui est ici le premier vol spatial avec sortie extra véhiculaire (l'occasion de faire de belles photos). Les enjeux sont traités avec simplicité et bon sens, et surtout, le film fait le choix du réalisme, et de l'absence de surenchère. L'ampleur de l'évènement se suffit à lui-même, et les visuels faisant largement le boulot, tout le voyage se passe bien. J'ai personnellement un petit faible pour celui ci en comparaison de Salyut 7 (qui lui cherche nettement plus à étaler le pognon et et challenger Gravity), pour l'intimisme de ses enjeux (on est plus proche des personnages sans se répandre) et pour sa meilleure gestion des musiques (calamiteuse dans Salyut 7, clairement un problème de style). Ne ratant aucun de ses temps forts et parvenant à trouver quelques idées visuelles intéressantes (les lucioles de l'espace), le spectacle est totalement assuré, même quand il se lance dans le hors sujet (la survie lors de l'atterrissage).
Toutefois, les lourdeurs d'un cinéma manquant de percutant se fait sentir, notamment dans la caractérisation assez poussive des personnages. Et si les lucioles sont réussies, le film tente de trop doper son suspense avec des artifices techniques qui, eux, font clairement artificiels. En bref, le film n'a aucune spontanéité, et n'aura pas le vrai moment de Grâce, celui où on sait qu'on a de la virtuosité et un clair moment de cinéma. Toutefois, la perfection technique et la simplicité (on tient ici notre revanche sur ce que Geostorm nous a fait subir question bordélisme spatial-nawak) sont de solides atouts pour un blockbuster moderne, aussi modeste soit-il. Un peu de ronflement pour la mère Patrie (Salyut 7 s'ouvre sur la faucille et le marteau, on ne se refait pas...), rien d'inacceptable en face de n'importe quel Marvel, et surtout un peu de fraîcheur d'une qualité un peu supérieure à celle dont nous avons l'habitude. Je tiens toutefois à souligner que, malgré quelques piques politiques (les américains se feront épinglés à plusieurs reprises dans Salyut 7), les deux films se gardent de tout revanchisme nostalgique, preuve en est le salut final concluant Salyut 7, qui marque l'ouverture au respect, en dehors de toute considération politique (c'est peut être un des arguments qui ont joué dans sa sortie à l'international).