Elle en pire
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Film manifeste radical, qui déplaira sans doute à pas mal de gens, le nouveau film de Coralie Fargeat est pour moi une réussite totale à la hauteur de sa déjà sulfureuse réputation. C'est un film ultra référentiel dans lequel on croise les ombres de Inland Empire, Shining, Faux Semblants, Neon Demon, Under the Skin, Rage, Society et tellement d'autres que je vous laisserai le plaisir de découvrir, qui les cite ouvertement, mais bizarrement, le film n'est jamais dépendant de ces lourdes références et trouve très rapidement un équilibre interne pour devenir un objet conceptuel et politique d'une grande force mais surtout d'une totale indépendance. Le film semble être fait de manière à s'isoler du reste du monde pour en proposer une vision autocentrée qui n'est régi qu'avec ses codes propres, sans qu'on ait à se soucier le moins du monde d'un quelconque problème de cohérence. C'est là, cela existe et on ne remet jamais le moindre élément, le moindre événement, en question. Cette actrice en fin de carrière qui ne peut plus tourner, car trop vieille, dont l'heure de gloire est derrière elle, accepte de s'injecter un produit sensé la rajeunir. Sauf que c'est une autre elle-même qui sort littéralement de son corps et les deux doivent se relayer une semaine sur deux pour vivre chacune leur tour. Elles ne peuvent jamais cohabiter (cette situation m'a rappelé deux bandes dessinée, une de Timothé Le Boucher (ces jours qui disparaissent) et une de Elizabeth Holleville (l'une des histoires des contes de la mansarde)) et leur coexistence va petit basculer en faveur de l'une d'elle, aux dépends de l'autre, jusqu'à un final extraordinaire, aussi tragique que grotesque, qui pour moi est un immense hommage conscient à un film méconnu, mais qui est sans doute le film d'horreur gore le plus politique qui soit : Society de Brian Yuzna. Car il va de soir que The Substance est un film politique, engagé, féministe, qui se réapproprie le corps féminin, et le cinéma d'horreur, et qui dit clairement qu'on peut faire subir au corps féminin tous les outrages qu'on souhaite, à partir du moment où c'est la femme qui s'en charge. Autre constat, beaucoup plus amer : le film est aussi un aveu de défaite : la star, sublime Demi Moore dans le rôle de loin le plus courageux de sa carrière, change de peau pour revivre, renaitre, aux yeux des spectateurs et des producteurs, mais elle finit elle aussi dans l'échec le plus total. La balance ne peut pas être inversée, la partie semble perdue d'avance, quoiqu'on fasse, semble nous dire Coralie Fargeat dans ce film dérangeant, passionnant, jubilatoire, qui a comme qualité principale, et ce jusqu'au bout, de rester un vrai film bis, avec toutes les outrances, les injures, les défauts et les tics visuels que cela peut engendrer. Mais on l'accepte car c'est précisément cela qu'on vient chercher dans le cinéma bis, sauf qu'ici c'est un film beaucoup plus dérangeant car, alors qu'il est habituellement ignoré, celui-ci vient se frotter, vient déranger, vient briser les lignes du cinéma maintream, il se glisse dans sa peau et en fait éclater ses viscères.
Créée
le 3 nov. 2024
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