Bon, déjà, un conseil pour commencer, vous ne devez surtout rien manger en visionnant ce film. Sinon, il y a le risque que le lieu, où vous êtes à ce moment-là, devienne aussi dégueulasse qu'un bon nombre de séquences de ce long-métrage. Ah oui, et si vous avez tendance à tourner de l'œil en voyant une seringue entrer dans de la peau... enfin, vous êtes prévenu(e)...


Pour son deuxième long-métrage, Coralie Fargeat, avec sa totale absence de subtilité pleinement assumée, revendiquée même (à côté de laquelle, déjà, dans sa précédente œuvre, Revenge, il était impossible de passer !), défonce, à la bombe atomique, sans s'imposer la moindre limite, visuelle ou scénaristique, les dictats de la société en ce qui concerne l'âgisme dont sont victimes les femmes, particulièrement celles qui travaillent dans le showbiz. Dictats du patriarcat qui ont tellement gangréné nos mentalités, que même une partie non négligeable des principales concernées ne peuvent s'empêcher de se dévaloriser au fur et à mesure qu'elles vieillissent, ne songeant nullement à les remettre en cause, en s'acceptant comme elles sont, en acceptant l'ordre naturel des choses, pour se laisser entièrement ronger par cette manière de penser toxique, jusqu'à en être autodestructrice. Le personnage principal de l'histoire en est un exemple extrême... très très très extrême...


Sexualisation à outrance (le fessier de Margaret Qualley mériterait à lui seul d'être crédité comme troisième rôle principal !), du male gaze en voulez-vous en voilà, pour cette variation du Portrait de Dorian Gray, avec une touche de Docteur Jekyll et Mister Hyde, ouais, on a quelque chose autour du double. À cela, vous ajoutez des plans ridiculement rapprochés pour souligner les moments les plus ridicules (notamment, ceux lors desquels apparaît le producteur, évidemment bien beauf et machiste, exigeant du "beau sexe" ce qu'il n'exige pas du tout de lui-même, incarné par Dennis Quaid... ah, l'obsession, déjà présente dans Revenge, pour les bouches masculines qui mastiquent !).


Il y a une multitude de références cinématographiques et de cinéastes servant de sources d'inspiration cités explicitement (d'une façon visuelle et/ou sonore !), à l'instar, bien sûr, de David Cronenberg (body horror oblige !), de Gaspar Noé pour les intertitres en grosses lettres majuscules, avec musique vrombissante incluse, de Requiem for a Dream de Darren Aronofsky, de Carrie de Brian de Palma, du David Lynch de Mulholland Drive et d'Elephant Man, de The Thing de John Carpenter, de From Beyond de Stuart Gordon, de Stanley Kubrick (Shining pour certains décors, un détournement grotesque de 2001 !), un clin d'œil au Vertigo d'Alfred Hitchcock. Et on peut mentionner aussi que l'idée de départ emprunte pas mal à celle de l'injustement méconnu Seconds de John Frankenheimer.


Si la naissance du double ne m'a pas impressionné du fait que l'on voit un peu trop que c'est du silicone et pas de la peau humaine, j'avoue que les maquillages et les trucages sont effroyablement efficaces, lors d'un dernier tiers, durant lequel culminent aussi bien les longs et douloureux moments de malaise que les séquences s'enfonçant à ce point très loin dans l'absurde que l'on hésite à en rigoler, en dépit de la gravité de ce qu'il se passe à l'écran, de ce qu'endure le protagoniste. Ah oui, le film a été entièrement tourné en France, avec une équipe en grande majorité française. En toute sincérité, si je ne l'avais pas appris sur Internet, j'aurais continué de penser que le tout a été filmé à Los Angeles. On n'y voit que du feu. Big up à toute l'équipe technique... cocorico...


À propos toujours de talent, si la charismatique et cinégénique Margaret Qualley ne démérite absolument pas dans le rôle du double jeune, donc forcément enviable, j'ai franchement été bluffé comme ce n'est pas permis par Demi Moore (choix de casting loin d'être hasardeux, étant donné qu'on a l'impression de ne pas l'avoir vu depuis plusieurs décennies, certainement victime, elle aussi, de l'âgisme !), qui s'offre, corps et âme, dans le rôle d'une vie, réussissant magistralement à faire percevoir la terrifiante descente aux enfers physique et psychologique que subit son personnage. À ma grande honte, je ne pensais pas qu'elle pouvait être une aussi grande comédienne, la résumant quasi uniquement à un ancien sex-symbol. Je m'étais complètement trompé à son sujet. Elle contribue fortement, elle aussi (je vais conclure sur cette note très positive !), à faire de The Substance, un film dérangeant, ne laissant pas indifférent, qui ne s'oublie pas du tout aussitôt.



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le 5 nov. 2024

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le 5 nov. 2024

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Plume231

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