All about Sue

En voyant The Substance, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à un autre film que j'aime de tout mon cœur, All about Eve de Joseph Mankiewicz. J'y ai vu à nouveau l'absurdité de la rivalité féminine bien présente et implantée dans un monde d'hommes dans lequel par défaut, quand on est une femme, on ne peut pas gagner (ou pour être plus précise, on est d'office perdante). Mais là où All about Eve nous propose un "duel" entre une jeune actrice qui tente d'en évincer une plus âgée, Coralie Fargeat nous montre une joute encore plus absurde à travers la détestation de soi-même et le cycle infernal de dévalorisation et d'auto-sabotage que subit la protagoniste.

Là où chez Mankiewicz, on entre dans l'intimité et les amitiés de Margo (Bette Davis), avec Fargeat on n'a finalement accès qu'à deux aspects de la vie d'Elizabeth : la carrière (principalement) et la dernière lueur de désirabilité qu'elle possède (à ses yeux !) à travers le personnage de l'ancien ami de lycée et le "rejet" brutal et violent de l'amant de Sue. Tout ça pour dire que dans ce film, le patriarcat est partout : à travers le personnage du producteur, les actionnaires, les techniciens, les plans quasi-pornographiques... mais aussi et surtout le regard terrible qu'Elizabeth porte bien malheureusement sur elle-même (à travers son regard et celui de Sue).

Malgré un climax aussi sanglant et jubilatoire que celui de Carrie au bal du Diable, j'ai deux regrets (bien personnels) concernant le film : j'aurais adoré voir une vengeance bien sentie et plus directe contre les différentes figures du patriarcat et une tentative de communication entre Elizabeth et son double.

Finalement, The Substance m'a rappelé une tragédie au féminin dans laquelle on espère que la witchy Demi Moore trouvera le moyen de s'accepter malgré sa mise au placard en trouvant par exemple du réconfort dans les bras d'une tendre amie comme Margo avec Karen dans All About Eve (ou bien en allant dézinguer tout un système patriarcal, ça marche aussi).