Gore to the picture
Pour être la première puissance mondiale, il faut forcément être plus malin que les autres. Ça pique un peu de l’admettre, mais c’est un cercle vertueux - ou vicieux, selon le point de vue adopté :...
le 7 août 2021
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Si le premier film Suicide Squad de David Ayer n’a pas été un grand succès critique, il l’a été dans les salles, faisant rentrer plein d’oseille et même un Oscar des meilleurs maquillages et coiffures dans les poches de la Warner.
Pour ma part, j’avoue l’avoir bien apprécié, malgré ses évidents problèmes, même si la vision obsédante du petit short d’Harley Quinn n’y est pas étranger. Pardon.
Pour cette suite qui peut s’apprécier indépendamment, les clés de l’escadron suicide ont été remis à James Gunn, trublion du cinéma avec quelques pépites à son palmarès (Horribilis, 2006, Super, 2010). Mais il est surtout reconnu pour avoir fait d’une équipe de justiciers de l’espace un peu loosers un duo de films assez réussis et drôles, les Gardiens de la galaxie.
Dommage, de vieux tweets d’humour noirs ressurgissent, il est renvoyé par Disney qui poussa des cris d’orfraie devant la polémique un peu stérile.
Depuis, James Gunn et Disney vont mieux, merci pour eux, mais le scénariste et réalisateur a été repêché entre temps par le concurrent Warner pour travailler sur ce nouveau film. Ce The Suicide Squad qui sort en 2021 porte la patte de son auteur, qui a déclaré avoir eu une liberté d’action appréciable, pour une relecture acide et violente du film choral super-héroïque.
Le film est d’ailleurs bien moins malhonnête que son prédécesseur, cet escadron suicide porte bien son nom. Rassemblant différents super-vilains parfois de seconde zone, coordonnés par la rigide Amanda Waller, un écart et la bombe située dans leur corps éclate. Ils font le sale boulot pour un gouvernement qui n’a pas grande opinion d’eux. L’introduction qui raconte l’invasion d’une petite île d’Amérique du Sud, Corto Maltese (rien à voir avec Hugo Pratt) sonnera le glas sanglant et parfois misérable d’une bonne partie, à peu de frais. Même si ceux présents sur l’affiche auront droit à une plus grande exposition, leur taux de survie tombera en flèche, notamment à mesure que la fin du métrage approche.
Ce noyau dur est un bel équipage hétéroclite, entre les menaces les plus évidentes et ceux qui pourraient sembler plus inoffensifs, chacun avec sa personnalité. Tous ont droit à leurs moments, nous en révélant un peu plus sur eux, liant un peu plus les membres entre eux, pour des relations parfois fragiles. Le film utilise très bien les particularités et les caractères de chacun, notamment pour offrir des situations ridicules ou des échanges de dialogues assez drôles. Ils se provoquent, se bousculent, mais ont aussi le regard désabusé de ces soldats devant des situations piégées, le « et merde, qu’est ce que je fous là » bien acéré, parfois désespéré.
Parmi ces quelques personnages aux traits bien piquants, pointons du doigt certaines nouvelles venues qui font du beau travail avec Bloodsport, assassin redoutable joué par Idris Elba, Peacemaker avec un John Cena parfait en idiot obsédé par la paix mais à tout prix y compris létale, la somnolente Ratcacher II (Daniela Melchior, magnifique), le déprimé Polka-Dot Man obsédé par sa mère ou mon chouchou, King Shark, requin taille XXL avec l’esprit d’un enfant mais les dents acérées. Harley Quinn revient faire la fofolle, merci Margot Robbie, mais sans le mini-short. Pas besoin de la montrer trop sexy, Harley reste cette menace psychotique et incontrôlable, au sourire joyeux et aux répliques faussement innocentes. Tout ce petit monde, et bien d’autres, joue d’ailleurs assez bien, impliqués dans ce film un peu fou et à part dans l’univers cinématographique DC.
Même l’histoire est remplie de chausse-trappes, de pièges. Le massacre introductif en est un, tandis que les différentes menaces rencontrées vont d’un niveau assez banal, avec un dictateur latino de plus, jusqu’à la menace finale, là encore un vilain de seconde zone dans les comics mais ici poussé à un extrême de dangerosité bienvenue. Et pourtant, ce big bad guy reste dans l’esprit ridicule, dans son allure kitsch héritée de vieilles pages de bandes dessinées. Mais sublimé par le ton piquant du film.
Dans ce jeu de pièges, de trahisons et de rebondissements, le film a beau avoir la main lourde sur les jurons et sur la violence graphique, quelques directions du scénario iront dans le bon sens, celui de la bonne morale. Dommage, c’était l’un des écueils de la version de 2016. L’héroïsme est peut-être amer, il est bien présent, que ce soit auprès de ces super-vilains ou même des employés d’Amanda Waller. The Suicide Squad (2021) n’est pas le film qui viendra bouleverser le genre, même s’il se montre bien plus acide que la moyenne. James Gunn avait de toute façon déjà crée son anti-film de super-héros avec Super (une bombe).
Le film se permet tout de même un regard cynique sur la politique américaine bien vu, un reflet évident d’interventions passées dans cette région du monde dans la deuxième moitié du XXième siècle. Un soutien aux régimes qui sont conciliants avec l’Oncle Sam, peu importe leur nature, mais gare aux retournements de veste. La Suicide Squad est là.
Et on ne peut pas dire qu’elle fait semblant. Dans The Suicide Squad, la mort n’est jamais loin, mais elle se montre de plus extrêmement graphique. Des têtes éclatent, des corps se déchirent, il y a du sang et des tripes, et sans que cela ne soit guignolesque ce gore est bien présent. Il est offert le plus souvent sans effets spéciaux numériques, mais bien à la main, avec du maquillage et du latex et du sang (les meilleurs). Dommage que la photographie, très métallique, ne sorte pas de l’ordinaire des productions DC toujours trop sombres pour prétendre à la maturité (vain espoir). Un peu plus de couleurs aurait été bienvenue, le ton pop s’y prêtait.
Les scènes d’action, bien filmées, très pêchues, ne vont pas sans quelques corps malmenés (et bien loin de l’égratignure de petit bobo). Cela peut être au détriment de la Suicide Squad, qui se fait parfois avoir. Mais les civils sont aussi des victimes collatérales, aux morts exposées et non pas cachées comme tant d’autres films de super-héros où le spectacle de destruction compte plus que les répercussions.
Malgré quelques idées un peu trop tièdes, The Suicide Squad détonne, surtout auprès de ses petits camarades DC parfois timorés. Le film de James Gunn est vitaminé et énervé, avec son humour provocateur et noir, sa violence exacerbée et sa bande son excitée. A bien des égards, son arrivée dans le catalogue de DC ressemble à celle de Deadpool en 2016, avec cette volonté de jouer sur le côté mauvais enfant plutôt que boy scout. Sans grandes prétentions intellectuelles, sans volonté de faire un doigt d’honneur à DC et Marvel (The Boys et Jupiter’s Legacy sont là pour ça) il veut offrir un film divertissant, pour les grands enfants qui aiment les plaisirs régressifs.
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Créée
le 10 août 2021
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